Charbel Haber, mélancolie libanaise en images et sons

Quel que soit le projet sur lequel travaille Charbel Haber (et il y en a pléthore), le son et l’image sont toujours intimement liés. Il nous le prouvera mardi 8 février, à l’Étage, lors d’un concert en guise de clôture du festival Travelling.

 

C’est une forme de réminiscence pour l’artiste libanais. En 2013, il était déjà venu à Rennes jouer son solo de guitare dans le cadre d’une exposition de Ziad Antar à la Criée. Bien qu’il conserve une base identique, le projet a évolué depuis neuf ans. Il s’est imprégné de tout ce qui a nourri l’artiste, notamment ces trois dernières années, « bizarres et très, très chargées » selon ses propres mots.

Sur des images du film Le Liban au printemps, de Nadim Tabet, Charbel Haber fabrique un son orchestral avec un dispositif minimaliste. En triturant sa guitare à l’aide d’ustensiles tels que des tournevis – parce qu’il aime les textures que cela crée -, il nous plonge dans des ambiances hallucinées, habitées par des sonorités grouillantes. Le son produit est passé à la moulinette via des pédales jouant le rôle de synthétiseurs modulaires, puis bouclé pour créer une symphonie empreinte de mélancolie. La mélancolie, trait de caractère indélébile des Méditerranéen·nes et particulièrement des Libanais·es si on en croit l’artiste.

CharbelHaber4« La mélancolie est dans notre ADN. Au Liban, on vit dans un monde qui peut disparaître de notre vivant. Ça change tout le temps, on peut vivre dans des ruines de ruines de ruines toute une vie. Aujourd’hui je me rends à la nostalgie, je capitule devant elle. »

C’est peut-être la raison de son goût pour les images du passé, qui l’inspirent, mais aussi pour les témoignages du présent, capturés par ses ami·es réalisateur·rices. Pour le documentaire Khamsin – projeté à 21 h avant le concert de Charbel Haber -, Grégoire Orio et Grégoire Couvert se sont immergés dans la création musicale à un moment de bouillonnement intense, le film étant sorti seulement deux semaines avant la révolution populaire d’octobre 2019. On y voit Charbel pessimiste sur une potentielle sortie de crise. S’il s’était trompé à l’époque, la mobilisation s’est essoufflée depuis, et le pays se retrouve aujourd’hui dans une impasse.

« C’est comme les résolutions du Nouvel an, tu fais du sport pendant deux semaines et après tu lâches tout. C’est ce qui s’est passé, tout le monde a lâché très vite. C’est tellement compliqué. On a un système néo-libéral qui est complètement destructeur. Au Liban puisque l’État n’existe pas, ça a muté en un monstre. Ça va se passer ailleurs dans les années à venir, c’est ce que dit le documentaire Khamsin, mais aussi le film Le Liban au printemps. »

Khamsin, Grégoire Orio et Grégoire Couvert, Stank, 2019

« Une image du Liban ? La mer. Toujours la mer. Je vis à 200 m de la mer, juste à côté du port. Là où ça a explosé, c’était à 600 m. J’y étais, c’était impressionnant. Une grosse production ! »

Dans ses nombreuses collaborations, le dénominateur commun est toujours la guitare, dont les sonorités évoluent en fonction des styles : space rock avec Johnny Kafta Anti-Vegetarian Orchestra, musique belly dance, psychédélique, avec Malayeen, ambient quand il est en solo, cold wave, avec Bunny Tylers, post-punk avec Scrambled Eggs. Sans oublier un côté très ancré dans l’improvisation libre, qu’il a pratiquée des années et qui, du fait de la nécessité d’écouter l’autre pour construire une harmonie, l’a énormément aidé dans sa conception musicale.

L’homme aux mille projets ne cesse d’en ajouter à sa liste : il vient de faire la BO du film Memory Box, de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas (sorti le 19 janvier), sort bientôt un disque sur le label Nahal, de Paul Régimbeau (alias Mondkopf, avec qui il avait créé Good Luck in Death) et Frédéric Oberland (Oiseaux-tempête), un album solo sur le label de Nicolas Jaar, Other People, et doit partir en tournée avec la compagnie Maqamat.

Charbel Haber est à retrouver en concert mardi 8 février à 22 h à l’Étage (entrée libre). Précédé d’une projection du documentaire Khamsin, à 21 h.

 

Envie de réagir ?

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>