Le festival Dangereuses lectrices se tiendra à Rennes les 25 et 26 septembre sur le thème du cœur. L’occasion réjouissante de revenir sur trois dernières parutions d’autrices et traductrices invitées. Aujourd’hui, Viendra le temps du feu de Wendy Delorme, remarquable dystopie éco-féministe et queer d’une beauté sanguine, emplie de poésie, de références et de liberté.
Il y a une trentaine d’années, dans une métropole lambda, la jeunesse s’est soulevée contre le changement climatique jusqu’au suicide de masse. Un pacte d’union national totalitaire a pris le pouvoir. Ces « Autres » contrôlent l’utérus des femmes, interdisent les livres et les déplacements hors de leurs frontières. Près de la rivière, des résistantes ont construit une micro-société bienveillante. En subsiste l’empreinte de la puissance féministe.
Avec Viendra le temps du feu, Wendy Delorme tisse le tableau d’une société carcérale proche de nos interrogations contemporaines. Elle évoque nos angoisses face à un monde belliqueux sous coercition masculine et une planète aux mains des destructeurs impavides. Iels s’appellent Rosa, Louise, Louve, Grâce, Louise, Eve ou Raphael. Inspirées des Guérillères de Monique Wittig (éditions de Minuit) et d’Un appartement sur Uranus de Paul B. Préciado (Grasset), iels luttent derrière les pierres des montagnes, des maisons et des bars clandestins pour réécrire l’histoire. Des femmes émancipées des griffes du patriarcat et de l’emprise masculiniste, racontent la fatigue, la solitude, la perte de soi mais également les interstices de respiration, les amours lesbiens fous, les grognements étouffés du ventre, près, si près de s’enflammer « Elles étaient toutes brisées mais pourtant incassables ». Le pouvoir des femmes et le pouvoir des mots se mêlent et se consument avec mélancolie, espoir et combat. Le pouvoir d’autrice de Wendy Delorme embarque nos cœurs chamades dans une expérience d’anticipation inédite. À la faveur d’un style fluide et poétique.
Car écrire c’est aussi traduire l’expérience de nos corps en ce monde, quand les chairs sont muettes, que la conscience n’est plus. Remanier le langage, réinventer les mots, les rendre caressants, les faire se reproduire, et puis donner naissance à d’autres mondes possibles. Notre histoire nous survit, pourvu qu’elle soit écrite, pourvu qu’on puisse la lire.
L’union de la parole et de la littérature constitue une arme de destruction massive à portée de bouches et de mains. Viendra le temps du feu au sens propre comme au sens littéral. Le feu des mots qui sauvent et embrasent. Sous les pierres des montagnes, dans les cahiers d’écriture, sur les lignes d’enfant, entre les pages de livres cachés, Wendy Delorme écrit leurs noms « guérillères », forces d’impact radicales, matrices d’un féminisme de luttes, porteuses d’espoir et d’émancipation. Parce que sœurs qui déciment le chaos et chantent l’avenir sans enjeux de pouvoir. Avec la bienveillance pour étendard.
Le roman salvateur et novateur de Wendy Delorme résonne comme un chant de soulèvement révolutionnaire à l’image de la révolte des Chiliennes en 2019. Derrière les brumes mortifères d’une ville chaos, les femmes ne cessent de composer cet hymne libérateur. Des mères, des filles, des amantes vent debout à la conquête de leur liberté sans hommes pour parler à leur place. Rosa, Louise, Louve, Grâce, Louise, Eve descendantes des sorcières qui ont échappé au bûcher. Ad vitam, elles renverseront les montagnes et brûleront les moyens d’oppression et de domination masculines systémiques pour rassembler, donner forme et faire sens. Voici venu le temps des flammes, des prises de parole, de la sororité et de l’auto-organisation des luttes. Au feu dangereuses lectrices !
Dans le cadre du festival Dangereuses lectrices, vous pourrez retrouver Wendy Delorme (en compagnie de Noémie Grunenwald) dimanche 26 septembre à 14 h lors d’une table ronde intitulée « Sororité militante : écrire les amitiés dans les luttes ». L’autrice sera ensuite en dédicace de 16 h à 17 h 30.
