Schtilibem 41 : Vîrus et les 100 pas (perdus)

Schtilibem signifie prison en argot; 41, c’est pour l’année. Schtilibem 41 est un texte méconnu de Georges Arnaud dont s’est emparé le rappeur Vîrus (qui va finir par devenir spécialiste argotique*) sur la scène de la maison de la poésie de Paris.

 

Schtilibem-Georges-ArnaudGeorges Arnaud est plus connu comme l’auteur du Salaire de la peur, publié en 1950 chez Juillard et porté à l’écran en 1953 par Henri-Georges Clouzot. Ce que l’on sait moins en revanche, c’est que Georges Arnaud passera 19 mois en prison, accusé à tort d’un triple meurtre en octobre 1941. De ce séjour en cabane** au cours duquel le froid et la faim emportent dix détenus, Georges Arnaud en garde des traces qu’il posera sur des feuilles dix ans plus tard. C’est Schtilibem 41. Un texte brut, empli d’expressions en argot et d’une poésie (o)rageuse. De quoi satisfaire Vïrus qui avait redonné ses lettres de noblesse éclatantes à Jéhan Rictus et ses Soliloques du pauvre.

« Elle va claquer la révolte ; depuis le temps qu’on la pelote pour la faire grandir, depuis le temps qu’on s’en sert pour nous branler nos cœurs secs la nuit pour nous endormir. »

Car à plusieurs décennies de distance, Vîrus a une affection particulière pour les textes révoltés, les plumes trempées dans le caniveau, faisant une sorte de pont invisible entre les époques. Se servant du support littéraire, Vîrus s’y plonge et en ressort pour en habiter des extraits. Leur donner un souffle actuel par la force de la lecture (et de sa voix singulière).

schtilibem-virus

Samedi 13 février 2021,  Vîrus occupe donc la scène de la maison de la poésie pour cette nouvelle création. Il démarre par un passage où il est question de l’importance de la lumière; la scène est justement entourée de ténèbres. Le rappeur fait les 100 pas. Tourne en rond et ne s’arrêtera que pour saisir quelques feuillets. Occupe l’espace de la cellule délimitée par l’éclairage. Et déclame ce texte d’où jaillit la violence du monde carcéral.

« Morts de Fontevrault, morts d’Eysses, morts ligotés, assommés dans les cachots du sous-sol, morts jetés du haut des murs dans les fossés, morts giflés, écrasés par dix fois quatre-vingts kilos de gâffe, morts, on vous a rendus sages, mais ça n’a pas suffi. »

Parfois, des mots inconnus à notre oreille, mais auxquels on s’acclimate. La lecture se fait rythmique verbale accompagnée par le jeu du saxophoniste Akosh S.; une trame musicale mouvante comme l’éclairage et les brumes bleutées derrière les barreaux en fond de scène. Ces barreaux qui deviennent à en faire confondre les jours de la semaine, ces barreaux contre lesquels il faut creuser en rêvant d’évasion, ces barreaux inhumains contre lesquels il faudrait « que la prison elle-même éclate ». Vîrus transcende les mots de Georges Arnaud, transporte la langue du milieu du XXe siècle en 2021 avec vivacité et colère. Et ce soir là, sur le tabouret de la scène resté vide écoutait sûrement le fantôme de l’auteur.

 

*nous avons cherché un jeu de mot sur les escargots, les escarres et les gothiques, mais rien ne collait, on a laissé tomber.

**zonzon, taule, geôle, au gnouf, au clou, aux fers, etc… vous choisirez le synonyme qui vous convient.

« Il y a sept ou huit jours dans une semaine.

Ce sont :

Le dimanche, le lundi et le mardi et puis mercredi et puis jeudi et puis vendredi et puis samedi et puis merde. »

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