La chanteuse Liz Cherhal devait jouer au Pôle Sud de Chartres-de-Bretagne le vendredi 6 novembre et y présenter son dernier album, L’Alliance, qui est surtout un spectacle de musique, de danse et de langue des signes française (LSF). Questions-réponses avec cette musicienne signeuse, que nous publions malgré tout.
■ Pour celles et ceux qui ne vous connaitraient pas, comment vous définiriez-vous dans le paysage musical français ?
Je suis une autrice-compositrice-interprète qui écrit en français. Je vis de la scène depuis 2005. J’ai fait 3 albums sous mon nom et 3 belles tournées pour les jouer sur scène. J’ai également écrit deux albums pour enfants : Lila et les pirates co-écrit avec Kikobert et Ronchonchon et Compagnie co-écrit avec Alexis HK.
■ Alors que votre album parle de séparations dans plusieurs chansons, pourquoi l’avoir intitulé L’Alliance ?
Parce que je voulais pour le titre de mon album un mot positif, quelque chose qui évoque la vie, le renouveau. J’ai mis beaucoup de temps à le trouver, ce titre. Trouver un titre, soit c’est simple et ça coule de source, soit c’est une grosse galère. Pour mes deux premiers albums, Il est arrivé quelque chose et Les Survivantes, trouver les titres a été naturel. C’est venu absolument tout seul. Pour ce troisième album, ça n’a pas été aussi simple. Je ne trouvais pas de terme qui englobait tout ce que contenait l’album. Alors pour trouver le titre, j’ai lu attentivement la totalité des paroles de mes chansons, en soulignant les termes qui pourraient être utilisés en tant que titre.
J’ai trouvé le mot « alliance » dans la dernière chanson « Vibrante ». Ce mot m’a semblé parfait. Je l’ai donc utilisé.
■ Dans « Pas que je pleure » et « Les mots, les bourreaux », vous évoquez les violences psychologiques subies par les femmes ; est-ce que une thématique que vous souhaitez explorer plus avant par la suite ?
Sincèrement, je n’espère pas… J’écris avec ce que je vis, alors l’idée d’écrire à nouveau sur les violences verbales et psychologiques ne serait absolument pas bon signe pour ce qui est de ma vie personnelle.
Un milieu professionnel ultra-masculinisé
■ Nous suivons avec attention dans nos pages la place des femmes dans les milieux culturels ; est-ce que vous avez déjà vécu dans votre parcours des freins/difficultés liées à ton genre ?
Lorsque j’ai eu mon enfant, il y a 12 ans, même si je n’en parlais pas du tout dans mon milieu professionnel, cela s’est vite su. Quand j’ai repris les concerts, alors que je ne m’étalais absolument jamais sur ma vie privée, on me demandait immanquablement dans les salles où j’allais, où était mon enfant.
C’était un peu usant, d’autant que je doute qu’on ait posé la même question au père de mon fils à cette même époque… Je répondais donc qu’il était, comme tous les enfants dont les parents travaillent, chez sa nounou. Cela m’a valu un jour d’être qualifiée de mère indigne par un technicien. Un homme qui part en tournée 10 jours après la naissance de son enfant, ça ne pose de problèmes à personne. Par contre, une femme qui recommence sa tournée deux mois et demi après, c’est indigne… triste réalité de ce milieu professionnel ultra-masculinisé.
■ Pourquoi avoir voulu associer la LSF à votre spectacle ? comment s’est-il construit avec cette donnée supplémentaire ?
Ça fait 8 ans que j’apprends la langue des signes dans le but de pouvoir proposer un jour un concert bilingue. J’adore signer. La LSF est une langue qui me donne l’impression d’être au plus près de mon émotion et de mon expressivité. Construire un concert bilingue a été un grand plaisir, et également, un gros arrachage de cheveux car il fallait, dans tout ce qu’on faisait sur le plateau, faire extrêmement attention à ce que tout soit absolument compris par les personnes sourdes. Ça m’a pris du temps, mais j’ai réussi. Le résultat est un concert qui mélange chanson, danse et langue des signes.
■ Comment vivez-vous cette année 2020, et cette période pavée d’incertitudes concernant le monde de la musique et du spectacle vivant ?*
Je suis perplexe quant au bien-fondé de continuer à pouvoir vivre de la musique dans les années à venir…
■ Votre dernier coup de cœur musical ?
Malheureusement, et je pense que ma réponse va surprendre, voire décevoir, mais j’écoute très peu de musique. J’entends celle qu’écoute mon conjoint, mais clairement, je ne suis pas une musicologue ni une musicophile. Par contre, j’écoute énormément de podcast sur des faits sociaux, historiques ou divers. Et mon dernier coup de cœur est le podcast de conversation « YESSS, un podcast de warriors ». C’est animé par trois journalistes qui recueillent des témoignages de femmes qui ont gagné des victoires petites ou grandes sur le sexisme. C’est très très inspirant. Je vous le conseille vivement.
Les infos sur le concert // Suivre Liz Cherhal
*question posée avant l’annonce du reconfinement