Médée : mots de rage

Mise en scène par Jean-René Lemoine et présentée au TNB du 13 au 17 octobre 2020, Médée poème enragé était initialement programmée en mars 2020, et a été décalée sept mois plus tard, l’impatience de voir cette cette pièce se faisait sentir….

 

Jean-René Lemoine joue un monologue de 1h20 dans lequel il est auteur et ré-interprète le mythe de Médée à travers le personnage du moi et de l’intimité. Le lyrisme du personnage antique de Médée est accompagné du musicien Romain Kronenberg, qui joue du synthé et de la guitare. Tour à tour femme Médée ou homme Jason, la voix androgyne de Jean-René Lemoine trouble le genre et transcende l’obscénité des propos en langage trivial. La sexualité est abordée dans un rapport au corps soumis et escalve des désirs de Jason, que Médéé aime excessivement. Sa voix est comme un long poème déroulé  à l’oral. Médée nous conte ses histoires tragiques (l’inceste de son frère inventé par Jean-René Lemoine, Jason qui ne la désire plus et l’infanticide).

Le costume noir de Bouchra Jarrar révèle un haut parsemé de paillettes qui cache le torse et dévoile le dos de l’acteur, un pantalon de costume distingué et des chaussures noires vernies à talon. Parfois Médée chante en anglais ou en espagnol. Parfois Médée fait onduler ses grands bras gracieux et musclés, ce qui peut nous inviter à contempler Médée différemment.

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©Alain Richard

L’histoire se déroule en trois temps : premièrement c’est la genèse qui évoque l’enfance et la famille de Médée. Le deuxième temps est celui de l’exil, dans lequel Médée fuit sa famille pour vivre avec Jason. Et le dernier temps est celui du retour, dans lequel Médée retourne voir son père, c’est également le moment de l’expérience du retour à vivre comme une étrangère. Médée a tellement évincer ses origines, qu’elle ne sait plus qui elle est. L’identité est abordée avec le fait que l’héroïne a enlevé ses codes culturels comme la supression de ses scarifications, de ses anneaux au nez et des colliers au cou. Pour ressembler à une femme occidentale, elle se farde le visage et les paupières, et unifie son teint clair.

Sur la scène du TNB, ce spectacle a conquis le public qui a salué cette nouvelle interprétation du mythe. Contemporaine, cette pièce affiche une sensualité mêlée de sexualité tout comme une ode à la différence grâce à un lyrisme brutal, sensible, obscène et musical. Loin de ses origines, le personnage se réactualise et décline une interprétation moderne qui fait résonner certains des aspects de notre vie contemporaine. Cette nouvelle Médée s’affiche donc en un être seul et atemporel qui chante, danse et se soumet aux désirs des hommes et des femmes jusqu’à même en perdre toute pudeur et son statut de mère. On est tout à tour surpris, saisi par la rudesse des termes qui s’incarnent mais plus que tout le spectacle plait et sait ne ressembler à aucun autre.

// Pauline Guémas & Caroline  Fleuriot

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