Le colonel des zouaves par Ludovic Lagarde

Le colonel des zouaves est une adaptation du roman d’Olivier Cadiot paru en 1997, mise en scène par Ludovic Lagarde du 6 au 10 octobre au TNB. Un monologue bien servi et un ode au verbe.

Le comédien Laurent Poitrenaux joue ici un majordome qui cherche à améliorer son jeu de service. Tour à tour, nous sommes plongés dans les améliorations de performance de ce serviteur. La lumière de Sébastien Michaud ponctue le flux des pensées de l’acteur, qui interprète des voix modulées en direct par le compositeur et musicien Gilles Grand. Laurent Poitrenaux excelle dans son rôle de servant hyper conditionné par la performance de son jeu. Le débit de sa voix et les mouvements dynamiques de son corps qui reste à la même place introduisent une belle performance. En effet, il s’oblige à acquérir un meilleur service, et cela tourne à l’obsession du travail. Son monologue ininterrompu incarne des personnages inventés. Souvent, il court. Et via son footing nous passons du burlesque au fantasque.

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Homme-orchestre dont la voix se fait l’interprète de tous les héros de cette nuit théâtrale, le comédien joue des sonorités vocales comme de multiples instruments. Ses inflexions incarnent des personnages foisonnants aux loufoqueries sans cesse prononcées et incarnées par un seul. Dans cette ode au verbe qui se démultiplie en la personne de cet homme au costume gris atemporel et de ses voix, le spectateur suit les déambulations d’êtres qui ne quittent pourtant jamais un petit coin de scène.

Apparaît alors avec ses mots, ce domestique spécialiste de l’art ménager obsédé par la perfection qui vocifère et câline ses révoltes au sein d‘une demeure de maître. Il est ce narrateur, cet espion de tablées mondaines qui sert des sentences anonymes à tout-va, les rendant même poétiques, drôles et critiques. Il est vrai qu’elles caricaturent si bien une société qui n’a finalement que la représentation en bouche. Il est encore ce colonel d’une armée en papier mâché qui mime la guerre avec ses onomatopées et ses grimaces d’enfant en matérialisant le langage dans ses tournures toutes à la fois angoissantes et amusantes.

Cette ode à la parole exulte le cri, le frénétique, l’absurde et la virtuosité d’un comédien qui les interprète toutes : elle dit les êtres en état d’excès poétiques et de vie. Devant ce spectacle, le spectateur rit, s’étonne, se fait sérieux et se surprend à suivre avec plaisir ce monologue polyphonique ponctué de quelques gestes et d’une course répétitive. Elle passe de tableaux de lumières en personnages dans un jeux de passe-passe qui égare parfois mais surtout éloigne du quotidien : il s’agit de mieux se faire parole des autres voire de tous les autres dans une construction psychique labyrinthique et ubuesque.

Reste que ce moment s’encadre de plexiglas devant et derrière le comédien ce qui rappelle les temps présents et matérialise ce quatrième mur désormais visible même s’il est ici transparent. Sur cette scène, il semble marquer une contemporanéité faite d’écrans et de persona : cet autre type de masque…

Le site du TNB

//Article signé Pauline Guemas & Caroline Fleuriot

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