Le collectif d’organisation de concerts punk, Papiers Noirs, sévit dans Rennes depuis 3 ans. Plus que de la musique, ce sont aussi des soirées engagées pour une cause ou pour quelqu’un. Des soirées à double engouement : pour les oreilles et pour les consciences.
■ Comment Papiers Noirs est-il né ?
Camille : Manon et Anatole organisaient des concerts ensemble. Avec Maxime et Jean, un petit peu aussi de notre côté. Maxime, Anatole et Manon se sont finalement rencontrés à un concert de punk, qu’aucun de nous n’avait préparé d’ailleurs.
Manon : L’initiative est venue toute seule d’organiser ensemble des concerts. On était tous les trois en voiture pour aller à un concert sur Tours, et c’est pendant le trajet qu’on a trouvé le nom. En rentrant sur Rennes et en parlant avec les amis, tout le monde a été emballé et on s’est retrouvé à huit avec Héloïse, Valentin et Morgan.
■ Au-delà de vos goûts personnels, comment considérez-vous le punk aujourd’hui ? Comme une musique extrême ? Quelle place a-t-il dans la métropole rennaise ?
Maxime : Musique extrême, tout dépend d’où tu te positionnes. Anatole : J’aime pas trop cette appellation. C’est comme musique actuelle, ça veut rien dire non plus. Techniquement, on fait plus de la musique actuelle ET extrême. On fait le choix de la diversité, donc il n’y a rien de fermé. Il y a pleins d’associations, de collectifs d’organisations sur Rennes pour les concerts de punk. On s’est juste dit : « Plus il y en a, mieux c’est ! » C’est en aucun cas dans un esprit de concurrence qu’on a monté Papiers Noirs. Et puis, l’idée n’était pas de faire que des concerts.
■ Justement, pouvez-vous nous expliquer quels concerts de soutien vous organisez exactement ?
Anatole : Il y a eu notre tout premier concert qui se voulait féministe. C’était des groupes non-mixtes. Des fanzines et un atelier sur sur le féminisme et la place des femmes dans la scène punk étaient proposés, notamment grâce à Mélanie, chanteuse dans Jarod et qui a un fanzine appelé Big Up Girls !. Papiers Noirs a fait des concerts de soutien pour le « Groupe logement du 14 octobre » pendant les bars en trans off l’année dernière. Le bâtiment, l’Estrémadure, était occupé par des sans-papiers, des réfugiés et des exilés. Ce qui était super, c’était de voir ces mêmes personnes revenir à d’autres concerts qui n’étaient pas de soutien, juste parce qu’ils avaient aimé ça.
Manon : On a aussi fait des concerts de soutien avec des collectes – que ce soit de la nourriture, des vêtements, des jouets. On a diffusé un documentaire lors d’une soirée anti-répression policière, en so »utien à « Justice et Vérité pour Babacar Gueye ». Babacar Gueye était un habitant rennais tué par la police en 2015. Awa, sa sœur est toujours procédure judiciaire pour obtenir justice. À ce propos, on achève en ce moment une compilation qui regroupe 22 groupes différents qu’on a fait jouer avec Papiers Noirs. Chacun nous a donné une chanson qu’on vendra sur cassette et CD pendant les concerts. Tout l’argent sera justement pour Awa et le collectif. Elle devrait sortir courant novembre.
« d’autres moyens de nous investir dans la musique »
■ On dit que le punk est souvent politique. C’est votre cas, en organisant ces concerts ? Le punk est-il inséparable de la politique ?
Manon : Pour nous, oui. Je pense aussi que c’était une réponse à notre manque de temps. On travaille toutes et tous, on fait de musique, on organise des concerts. Ce sont des choses qui demandent du temps et de l’énergie. Et on s’est dit que le seul moyen d’associer notre vision de la politique et cette volonté de s’engager, était de le faire au travers de la musique.
Anatole : Il est vrai que le punk, ce n’est pas simplement de la musique mais aussi un mode de vie. Je pense qu’à partir du moment où nous ne voulions plus être simplement spectateurs, nous avons trouvé d’autres moyens de nous investir dans la musique. Les concerts de soutien furent notre réponse. C’était un moyen pour nous de faire plus aussi, ensemble.
Camille : Papiers Noirs pour nous, c’est avant tout de la solidarité. Déjà, tous nos concerts sont à prix libre. C’est important pour nous qu’ils soient accessibles à tous et toutes, ça restera comme ça. Les gens jouent totalement le jeu, c’est l’image de l’organisation aussi.
« Les concerts deviennent des espaces de rencontre, d’échange et de partage plutôt que des espaces de consommation. »
■ Alors quels groupes programmez-vous ? Locaux, nationaux, internationaux ? Est-ce exclusivement du punk ?
Anatole : Les groupes qu’on fait jouer sont « amateurs », dans le sens où ils font ça par passion et non par métier. C’est une notion aussi importante de l’esprit punk. La plupart du temps, ils ne sont pas musiciens pas métier. Il y a cette notion d’amateurisme très importante pour notre collectif aussi, on fait également cela par passion.
Manon : On a beaucoup de groupes locaux, en majorité. On écoute du punk depuis qu’on est gosses. Du coup, à nous tou.tes, on commence aussi à connaître pas mal de monde et on fait souvent jouer nos copains/copines. Prochainement on programme Chain Cult, un groupe grec, qui tourne avec les copains de Bleakness, de Lyon. On fait aussi jouer Goddamnit, un groupe états-unien parce qu’ils sont en tournée avec Traverse, des amis de Paris.
Max : Il y a ce qu’il faut de punk dans l’Ouest. On a énormément d’amis qui jouent dans des groupes aux alentours de Rennes ou de la Bretagne.
Camille : Il faut savoir que bien souvent, derrière un groupe, une demande de booking, se cachent un ou deux autres groupes. Ça marche souvent comme ça. C’est comme une toile d’araignée.
Anatole : Papiers Noirs organise aussi des concerts en appartement, en acoustique du coup, plus du funk. On aimerait bien diffuser plus de films, diversifier un peu les soirées qu’on organise.
■ Enfin, pouvez-vous nous donner votre dernier coup de cœur musical ?
Héloïse : Frustration est mon groupe fétiche. C’est du post-punk. On m’avait offert la place de concert en 2011, et depuis, j’ai toujours pas décroché ! Ça me touche toujours autant.
Maxime : Alors moi, ce serait pas vraiment un groupe mais plutôt un concert. Pendant le concert d’un groupe qui s’appelle Touché Amoré, avec un pote, on a littéralement pleuré devant. Je les avais jamais vus et c’était vraiment incroyable.
Manon : Clairement, Nightwatchers. Le meilleur album de l’année ! Ils sont de Toulouse et ont sorti un album en mai, une tuerie. La Paix ou le sable est sortis sur un label suédois génial, qui regroupe mes autres groupes préférés, Lövely Records.
Jean : Je vais parler de la pépite du moment : Super Potage. C’est un groupe… J’appellerais ça du génie. C’est un duo, des amis en fait. Plus sérieusement, c’est un projet rennais, et on invite vraiment à regarder leur chaîne YouTube. Tout est fait sur garage band, c’est-à-dire sur téléphone et c’est propre comme de l’eau de roche.
Anatole : Je dirai Litovsk, du post-punk de Brest/Leipzig. Ils ont sorti leur dernier album l’année dernière, Dispossessed. C’est excellent, voilà.
Camille : J’ai deux groupes. Je dirai Pup, car le vinyle Dream is over est vraiment top : ça inspire autant la joie que l’envie de pleurer. Et sinon, je suis allée voir Brutus en concert. C’est une fille qui chante et fait de la batterie, accompagnée d’un bassiste et un guitariste. C’est assez particulier, il faut vraiment écouter. Tu es dans le concert et tu es juste : « waouh ».
Prochain concert : Traverse, Godamnit et Heavy Heart ! vendredi 13 novembre
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