Roubaix, une lumière – Polar d’Arnaud Desplechin

Roubaix, une lumière – Polar d’Arnaud Desplechin – Avec Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier…

En plus d’être insomniaque, célibataire solitaire et taciturne, Daoud (Roschdy Zem) est commissaire à Roubaix. Il avance à pas feutré, presque en douceur. Il incarne une bienveillance, un humanisme certain, une forme d’angélisme protecteur au pays des petits braqueurs et des délits maladroits, une proximité avec les citoyens régulièrement en détresse, car Roubaix n’est pas connue pour ses charmes nombreux mais plutôt pour sa pauvreté structurelle, sa désindustrialisation, ses friches, son taux de chômage et sa misère sociale – laquelle est « bien connue de nos services » comme on dit dans le jargon, pour la petite et moyenne délinquance qu’elle favorise allègrement. Ça n’empêche que, pour mener à bien une enquête sur une affaire sordide – le vol crapuleux suivi du meurtre d’une octogénaire –, Daoud sait se montrer coriace et perspicace. Louis (Antoine Reinartz), simple officier de police, quant à lui, face à ce déluge d’accrocs dans l’ordre qu’on voudrait établi, aurait plutôt tendance à se réfugier dans la prière.

forestier

Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier, ci-dessus), les suspectes un peu paumées auxquelles Daoud a eu vite fait de remonter – 2 voisines de la victime – n’ont visiblement pas suivi les conférences et recommandations du collectif Défense collective* (à savoir garder le silence en garde-à-vue, ne donner que son petit état-civil et refuser les prises d’empreintes, les prélèvements d’Adn et les photographies signalétiques, qui sont rarement à l’avantage des incriminés). Elles vont ainsi vite être amenées à se contredire, à mentir, à lâcher des bouts du morceau…

Desplechin explore ici les faces sombres et largement pitoyables d’une région déshéritée qu’il a plusieurs fois abordée par ailleurs (dans L’Aimée, documentaire de 2007, dans Conte de Noël en 2008, ou Les fantômes d’Ismaël, tourné en 2016 dans la région roubaisienne) et qu’il connaît bien pour y avoir vécu son enfance. Quant à Roubaix, une lumière, on ignore encore si l’office du tourisme local peut considérer devoir une fière chandelle au réalisateur enfant du pays.

* Ce collectif, soit dit en passant, n’a pas vocation à aider les pauvresses de ce genre, mais plutôt à protéger les droits des citoyens face aux abus policiers, notamment pendant des mouvements sociaux lors desquels des militants politiques peuvent être criminalisés.

Roubaix, une lumière – Polar d’Arnaud Desplechin – Avec Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier, Antoine Reinartz, Philippe Duquesne… – Adapté du documentaire Roubaix, commissariat central, affaires courantes, de Mosco Boucault, 2008 – Sortie le 21 août 2019 – Durée : 1h59.

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