Stéphane Méjanès taille les critiques gastronomiques

S’il y a bien un moment incontournable dans la vie de chaque personne, c’est bien celui de manger, pas que chez soi mais aussi au restaurant pour découvrir de nouvelles saveurs ou par flemme de préparer le dîner. Certaines ont fait le choix d’en faire un métier : critique gastronomique, payé·e pour manger et en parler à son lectorat. Stéphane Méjanès est un d’elles·eux et les taille dans un essai en dix services.

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« Le sens du mot “critique” est souvent réduit à sa seule acception négative. L’expression naïve d’une sincère admiration, à grand renfort de discours gnangnan, confine fréquemment à l’ennui mortel, voire suscite le ricanement. A contrario, se lancer dans une vaste entreprise de démolition, avec moult formules assassines, se révèle plutôt jouissif et permet de mettre les rieurs de son côté. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. »

Stéphane Méjanès est journaliste depuis 1986. Après une première carrière à L’Équipe, il passe du lancer de balle au coup de fourchette. Depuis 2012, il écrit sur la gastronomie dans divers magazines comme Omnivore, Alimentation Générale ou L’Obs. Il a reçu le prix Amunategui-Curnonsky du meilleur journaliste gastronomique en 2018, décerné par l’association professionnelle de journalistes de la gastronomie et du vin (APCIG).

D’abord un point d’histoire en avant-propos. Le premier critique gastronomique français fut Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière (1758-1837), un riche amateur de nourriture qui a connu l’invention du restaurant et rédigé le premier guide culinaire, L’Almanach des gourmands. Dans cette lignée, le magistrat Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826) (comme le fromage) publia Physiologie du goût en 1825, dans lequel on retrouve le célèbre aphorisme « Dis-moi ce que tu manges : je te dirai ce que tu es » et les bases d’une première réflexion sur la gastronomie. Un autre La Reynière fit les heures goûtues du Monde à partir de 1952 pendant quarante ans. Nom de plume de Robert Julien Courtine (1910-1998), il a mené une carrière prolifique, influente et respectée après une première en tant de journaliste collaborationniste, du côté des conservateurs de l’assiette (on ne se refait pas). Les deux derniers incontournables sont Henri Gault et Christophe Millau, pères de la critique gastronomique moderne avec leurs guides Gault & Millau depuis 1972.

Un critique culinaire connu de la pop culture : Homer Simpson, dans l’épisode « La Critique du lard », qui passe par différentes approches du métier.

Un critique culinaire connu de la pop culture : Homer Simpson, dans l’épisode « La Critique du lard », qui passe par différentes approches du métier.

Tel Les Caractères de La Bruyère, l’auteur dépeint la société actuelle autour de l’assiette, à travers dix différents profils de critiques gastronomiques : l’incognito et son opposé la diva, le stakhanoviste et son collègue moins mesuré le glouton, le pique-assiette, l’influenceur, l’antique, l’ingénu, avant qu’il ne devienne le blasé, voire carrément le tyran. « Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n’est évidemment pas tout à fait fortuite. » On aurait aimé avoir quelques noms – mais ce n’est pas forcément très classe. C’est un métier qui reste encore à définir tant il est récent et définitivement plus complexe que manger, boire et donner un avis poli (ou pas) comme à la maison, et d’autres spécificités qu’analyser une exposition d’œuvres d’art, un film au cinéma ou un concert. Les critiques sont partout dans les médias et les réseaux sociaux, font et défont le monde de la cuisine, quand ce n’est pas ce monde lui-même qui fait un peu n’importe quoi au grand bonheur des passionné·e·s foodies en tout genre, ou juste évolue selon les tendances diverses (comme la question de la place des femmes).

Ce petit ouvrage se lit vite et bien, avec un humour piquant mais dosé, même pour les personnes qui ne sont pas du métier – puisque de toute façon tout le monde donne son avis, maintenant tout le monde peut bien faire son autocritique. Un autre outil : ce test d’authenticité par Jean-Laurent Cassely, auteur de No Fake. Et après mangez bien ce que vous voulez, où vous voulez, tant que le plaisir recherché est là, nul besoin d’en fait son métier (ou un compte Instagram) pour apprécier.

Stéphane Méjanès, Tailler une plume – Croquons le critique gastronomique, éditions de l’Épure, 112 pages, 12 euros, publiée le 17 mai 2019.
Il a présenté son livre dans une émission de « Casseroles ».

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