Rennes 1977, une ville de province endormie comme tant d’autres. Le temps de deux albums, un groupe de jeunes gens dandy post-punk va réveiller une jeunesse à la marge qui n’attendait qu’un détonateur pour exploser. Marquis de Sade décime les esprits conservateurs d’une époque poussiéreuse et propulse le rock rennais dans un bouillonnement et une effervescence qui trouvent leur point d’orgue dans la création des Transmusicales, festival toujours vivace qui continue à explorer, découvrir, incuber des artistes et des styles protéiformes. Des Marquis dont tout le monde parle encore dans les alcôves nationales (et au-delà) avec dévotion ou curiosité. Et ce samedi 16 septembre presque 40 ans après, le groupe-phare rennais de la fin des 70′ remonte sur scène pour un concert unique à l’initiative du graphiste plasticien Patrice Poch dans le cadre de Teenage Kicks. Un retour élégant et réussi, à (ré)enchanter les nostalgiques comme les néophytes.
Marquise slave
Marina Keltchewsky et Gaël Desbois à la ville. Tchewsky & Wood sur scène. Une jeune pousse de groupe d’à peine deux ans. Constitué de deux professionnels avec une solide expérience. De leur rencontre sur les planches du TNB où Marina joue et Gaël compose naît l’évidence de travailler ensemble. Les premiers morceaux suivent très vite. En russe, en anglais, en français, en rromani. Gaël veille au grain musical derrière sa batterie, Marina écrit et chante ses propres textes. Et puis ce samedi soir de septembre, ils se retrouvent sur scène en première partie du concert unique de Marquis de Sade, devant une salle du Liberté qui affiche complet et face à un public-ébullition qui attend depuis 37 ans de revoir sur scène LE groupe-phare de leur lointaine jeunesse. De quoi se nouer les tripes au fond de l’estomac. Tchewsky & Wood relève le défi haut la main (sur le cœur) rejoints par la guitare de Maxime Poubanne, avec une prestation slave, suave, envoûtante et mélodique. La charismatique et gracieuse chanteuse tribale envoie du bois, une belle découverte !
Marquis de Sade
Des méduses-filaments blancs projetés sur un écran sur fond de Dies iræ (jour de colère) de Penderecki, des musiciens qui s’emparent de leurs instruments dans la pénombre sous les cris et les applaudissements, des guitares qui grincent dans une brume opaque. La silhouette élastique et le visage minéral de Philippe Pascal apparaissent. La voix-grave se met en route, c’est parti pour le premier morceau « Set In Motion Memories » puis le chanteur lance un sobre « Bonsoir Rennes, nous sommes les Marquis de Sade » qui donne le frisson à un large pan du public qui a dépassé la cinquantaine, un rêve éveillé, comme électrisé, nostalgique certainement. D’autres sont présents également pour découvrir sur scène ce groupe-fulgurance breton qui a fait jeu égal avec les crêtes du punk anglais de la fin des années soixante-dix. Marquis de Sade a imprimé à l’encre noire son style punk cold wave sur le rock local. Et ce samedi soir-là, le divin marquis retrouve en son domaine rennais ses usages d’antan. Avec grâce et sans reproches. Car il aurait été facile de se complaire dans le postulat concert unique pré-maché (et foiré) pour « groupe revival culte ». Pas le genre de la maison entre un Philippe Pascal encore étonné de cette étiquette « mythique» et un Frank Darcel qui poursuit un parcours exigeant au sein de sa nouvelle formation : Républik.
Les membres historiques de Marquis de Sade donc : Philippe Pascal au chant, Frank Darcel à la guitare, Thierry Alexandre à la basse et Eric Morinière à la batterie rejoints par le son rock de l’excellent guitariste Xavier Geronimi et le fidèle saxo de Daniel Paboeuf retrouvent le chemin de Dantzig twist et de la Rue de Siam, enchaînent les morceaux en anglais, en allemand et en français des deux albums avec de nouveaux arrangements qui prodiguent un vrai plaisir (notamment sur « Wanda loving boys » et « Conrad Veidt ») et évitent les écueils passéistes direction le présent. Les convertis de la première heure poursuivent leur voyage extatique tandis que les curieux néophytes s’enfoncent avec délice dans les terres troubles d’une musique intemporelle.
Marquis de Sade prend un plaisir évident à se reconnecter avec des morceaux oubliés, envoie un signe des vivants aux visages-cendres : notamment à Tonyo Marinescu et sa compagne Anne, et invite sur scène des amis qui ont participé à l’aventure : Sergeï Papaïl de Fracture, Pierre Thomas de Marc Seberg et Christian Dargelos des Nus (co-fondateur du groupe). Après deux rappels, vient également une reprise du « Hero » de Neu ! qui inspira à Bowie son « Heroes » de 1977. Une accolade de Philippe Pascal et Frank Darcel et les marquis referment la boîte aux souvenirs. They can be heroes (again), just for one day !
Article très intéressant mais il est dommage qu’à aucun moment vous ne mentionnez le guitariste qui accompagnait Tchewsky and Wood et le claviériste qui accompagnait les Marquis de Sade.