Séducteurs de rue de Léon Maret, la BD qui tape là où ça fait mâle

Issue de l’association entre des sociologues férus de BD et des dessinateurs, la collection Sociorama rend les enquêtes sociologiques accessibles en les illustrant pour créer des fictions ancrées dans la réalité du terrain. On s’était bien amusés en lisant l’instructif Fabrique pornographique de Lisa Mandel, et on rit (parfois jaune) en découvrant Les séducteurs de rue de Léon Maret qui est adapté de l’enquête de la sociologue Mélanie Gourarier sur le milieu de la séduction.

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séducteurs de rueLa BD nous plonge dans l’univers des communautés ‘de séducteurs’ qui reposent sur un concept simple : se taper un maximum de gonzesses. Pour cela, tout un protocole est mis en place à base de conseils techniques et d’apprentissage d’un jargon spécifique. Par exemple, chaque homme débute en étant un AFC ou average frustrated chump (le mec frustré de base). Un peu comme dans un jeu de rôle, on progresse en acquérant de l’expérience, le Graal étant de devenir un PUA ou Pick-up artist, ce bonhomme plein de testostérone capable d’éblouir n’importe quelle femme grâce à sa désinvolture charismatique et quelques banalités bien senties (exemple : James Bond).

« Dis-moi, est-ce que tu vas crier au secours si je te dis que te te trouve jolie ? »

L’impression qui se dégage de ce témoignage est mitigée ; il y a un aspect pathétique et presque touchant devant tant de maladresse et de handicap face au sexe opposé. D’ailleurs cette difficulté dans les rapports humains est exploitée par des coachs capitalisant sur le malaise et la frustration en proposant une offre variée de séminaires et autres séances de relooking hors de prix. Comme quoi, être un homme libéré, c’est pas si facile…

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En revanche l’énervement gagne lorsque les discours prennent des accents zemmouriens en déplorant la ‘féminisation de la société’ qui oppresseraient nos pauvres mâles bien démunis face aux femmes perçues comme castratrices et toute-puissantes. Il s’agirait de reconquérir un pouvoir ‘naturel’ et injustement confisqué. Toute la fantasmatique du mâle Alpha, le chef de meute issu d’un fantasme darwinien naïf, est ressassée à loisir dans des élucubrations virilistes. Comme le met bien en avant l’ethnologue Mélanie Gourarier dans son enquête dont est issu l’album, la séduction sert avant tout à former une communauté masculine.

 

« Les jeunes ont besoin qu’on les aide à assumer leur virilité, ce qu’empêche la société en contestant l’autorité paternelle. »

 

Là où l’album vise juste, c’est que la notion de rencontre avec l’autre, voire simplement de plaisir n’est jamais prise en compte car la personne que l’on cherche à séduire est instrumentalisée et sert de femme-trophée à exhiber pour se rassurer sur un statut social incertain et apporter une cohésion au groupe de mâles : au fond, plus que de coucher avec des femmes, le but de toute l’opération est surtout d’impressionner le babouin d’en face dans un vaste concours de bites mondialisé grâce à la magie d’internet.

 

Séducteurs de rue, scénario de Léon Maret et Mélanie Gourarier, dessins de Léon Maret. – Casterman, collection « Sociorama », 12 €.

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