Portraits de mon frère et du Roi du Monde de David B, épilepsie mystique

Le dessinateur David B., connu pour sa BD autobiographique L’ascension du haut mal où il décrit de façon poignante les crises d’épilepsie de son frère, revient sur ce thème avec un album de portraits de celui-là et du Roi du Monde, personnage fantastique issu du roman ésotérique de René Guénon.

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« L’idée m’est venue assez tôt de dessiner quelque chose qui évoquerait toutes les crises de mon frère une à une, de les dessiner chacune l’une après l’autre. Un travail pour un titan et je n’en suis pas un. Je me suis limité à 72, ce chiffre c’est le tribut que je paye à l’ésotérisme, le chiffre qui comme tous ceux qui tournent autour de 70 symbolise la totalité, d’ailleurs dans les hadiths du Prophète Mohamed il est écrit que les maladies sont au nombre de 72 et qu’il faut absorber du sel avant et après le repas pour les prévenir. »

Dans L’Ascension du haut mal, David B. dessine les crises de son frère comme des combats immenses entre armées de Huns ou encore comme une lutte avec des entités sombres. Ici il s’inspire du livre de René Guénon, Le Roi du Monde, ouvrage ésotérique qui relate l’existence d’un personnage souverain apportant ordre et justice au monde.

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À chaque portrait de son frère répond celui du Roi du Monde, toujours changeant. Les visages sont fluctuants, soit tordus par la douleur et comme ouverts, décomposés (on pense parfois à la série des Têtes d’otage de Jean Fautrier) ou bien solaires et secrets, rayonnants d’une force mystérieuse à la manière de gravures alchimiques. C’est tout le paradoxe de l’épilepsie dans l’art décrite depuis les temps anciens à la fois comme une malédiction mais aussi comme une rencontre potentielle avec le divin.

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Cette maladie appelée parfois le « haut mal » ou le « mal sacré » impressionne par ses crises effrayantes et spectaculaires. De plus dans certains cas le malade peut ressentir pendant les quelques instants précédant la crise une « aura » où il semble toucher à l’infini et au sacré. Le rapport fait entre épilepsie et mystique nous rappelle l’expérience personnelle de Dostoïevski décrite dans L’Idiot au travers de son héros le prince Mychkine :

« Subitement, quelque chose sembla s’ouvrir devant lui. Une extraordinaire lumière intérieure lui illumina l’âme. Cette sensation dura peut-être une demi-seconde, et pourtant il garda un souvenir net et conscient du commencement, du premier son du cri atroce qui s’échappa de sa poitrine et qu’aucun effort de sa part n’aurait pu arrêter. Puis aussitôt, la conscience s’éteignit instantanément en lui, et ce fut la nuit totale. »

Cette série de dessins permet la rencontre de l’impuissance et de la puissance, de la justice d’un Dieu souverain en regard de l’injustice de la maladie dans un face à face troublant qui suggère une forme de parenté entre les deux, de symétrie ou encore de lien secret, le tout mis en images avec la technique prodigieuse et sensible de David.B.

Portraits de mon frère et du Roi du Monde, éditions L’association, Hors Collection
19 x 21 cm – Couverture cartonnée et toilée – 96 pages couleurs – 25 euros – À paraître le 25 janvier 2016.

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