H.P. tomes 1&2, au cœur de la psychiatrie en BD

Pour H.P., l’auteur de BD Lisa Mandel s’est inspirée des anecdotes racontées par sa mère et son beau-père, infirmiers psychiatriques à Marseille entre 1970 et 1980. On suit le quotidien des soignants aux prises avec un quotidien parfois tragique ou burlesque auquel ils font face tant bien que mal. Les tranches de vies sont mises en images avec une vivacité distanciée et humoristique.

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La bande-dessinée H.P. nous plonge dans l’univers asilaire. Le tome 1 L’asile d’aliénés couvre la fin années 60 avec la description de « l’ancien hôpital », univers au pire concentrationnaire et au mieux familial, mais toujours carcéral. En effet, dans ce système le malade est pris en charge à vie, il n’est pas question qu’il sorte de l’hôpital dont la fonction est de « protéger » la société des fous. Il s’agit donc d’enfermement dans des dortoirs sordides, toutes les pathologies étant mélangées. Les plus agités sont carrément attachés au radiateur, tandis que dans d’autres services des malades « stabilisés » mènent une vie calme et quasiment familiale avec les soignants.

Au fil des anecdotes, c’est la parole infirmière qui est mise en avant, les infirmiers étant face aux psychiatres les « prolétaires de l’hôpital » qui ont rarement l’occasion de s’exprimer. Les jeunes infirmiers se confrontent à une ancienne génération pas formée et qui gèrent les malades à la dure, en étant parfois violente avec les patients qui sont perçus avec méfiance, comme des ennemis potentiels. De nouveaux types de patients entrent à l’hôpital, comme les toxicomanes par exemple dont le comportement déconcerte les soignants.

On voit toutes sortes de traitements qui ressemblent plus à des tortures qu’à des thérapies : électrochocs, abcès de fixation, administration aléatoire des médicaments destinés à assommer le patient pour le faire tenir tranquille… Dans ce contexte parfois atroce, les jeunes soignants essaient d’aménager des espaces plus légers, de faire des plaisanteries pour adoucir le quotidien, ce qui émaille la BD d’anecdotes cocasses.

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hp2Le tome 2, Crazy seventies couvre la période 1974 à 1982. L’hôpital psychiatrique est le lieu de grands changements. Il devient « ouvert » avec comme objectif la réinsertion des patients dans la société, au travers des ateliers d’ergothérapie qui se transforment parfois en exploitation des malades. Les psychologues font leur entrée au sein de l’hôpital et tentent de faire parler les infirmiers de leur expérience ce qui est un mieux mais provoque pourtant un grand malaise dans un univers où il est mal vu d’évoquer ses angoisses professionnelles. De nouvelles thérapies se mettent en place, on sent le changement de société et le vent de liberté des 70′s. La question de la liberté de choix des patients et de leur sexualité est abordée pour la première fois, ce qui crée des situations inédites, parfois douloureuses comme cette patiente que le psychiatre autorise à arrêter son traitement pour poursuivre sa grossesse et qui se révèle trop malade pour s’occuper de son enfant.

Malgré le sujet difficile, le trait en bichromie de Lisa Mendel reste simple et léger, apportant une sorte de fraîcheur aux histoires. Elle dresse une galerie de portraits drôles, incongrus et souvent attachants.

Un troisième tome est prévu couvrant les années 80-90 en service de nuit, puis également un quatrième tome sur la période contemporaine ainsi qu’un éventuel cinquième tome sur les patients.

H.P. tomes 1&2, de Lisa Mandel, parus en 2009 et 2013 – édition L’Association – 80 pages

 

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