La place, la grue et le palais : Ker’doc interroge la place Sainte-Anne

C’est un Papier Timbré rempli pour assister à la 1ère projection du documentaire La place, la grue et le palais le 28 avril, réalisé par des étudiants de Sciences Po Rennes. Le petit groupe s’est monté en association, Ker’Doc, pour produire ce film de près d’une heure sur un lieu emblématique et en pleine mutation : la place Sainte-Anne.

la-place-la-grue-et-le-palais-ker-docQui, depuis des années, n’a pas été gêné par un marteau-piqueur, ne s’est pas heurté à une palissade, ne s’est pas retrouvé face à une déviation au cœur de Rennes ? La ville est en travaux, principalement pour la deuxième ligne de métro, mais également pour d’autres constructions en tous genres.
Depuis la chute du mur Dubonnet, auquel le collectif La Sophiste avait rendu un hommage en juin 2014, la place Sainte-Anne poursuit sa vie au rythme des pelleteuses et autres engins de chantier. Parmi les modifications, la réhabilitation du couvent des Jacobins qui doit devenir le futur centre des congrès. Diantre, la belle affaire, un centre des congrès pour meetings et autres rassemblements d’affaires, collé à une place dont l’histoire n’est plus vraiment à raconter, entre la rue de Saint-Malo et la rue Saint-Michel, désormais célèbre Rue de la soif.
Un quartier populaire. C’est ce qui revient le long du documentaire, ou plutôt de la série de portraits proposée par La place, la grue et le palais.

« C’est le poumon de la ville » Le gérant du manège.

Sainte-Anne est présentée comme un petit village cosmopolite, où se côtoient travailleurs, étudiants assoiffés, punks, vendeurs ou encore habitués de l’église. Le film rencontre ainsi plusieurs personnages, présentés par leur rôle sur la place Sainte-Anne : le libraire, le curé, la serveuse, les bouquinistes, les militants, l’ancien zonard, les habitués des terrasses. Et un mot revient principalement au fil des témoignages et impressions : la crainte que cette place vivante, bruyante, atypique, populaire, ne devienne comme dans beaucoup d’autres villes une place policée, morne, morte. Bref, la peur du changement. Personne ne sait ce qui se passera une fois les aménagements de l’espace urbain effectués et le centre des congrès ouvert. L’ambiance des bistros changera-t-elle ? Les bouquinistes pourront-ils y revenir ? Le café passera-t-il à 3€ ? Verra-t-on uniquement passer des hommes d’affaires pressés ? Le manège diffusera-t-il encore de la musique klezmer et du jazz ?
C’est tout un petit monde qui risque de changer, comme s’inquiètent les militants du collectif Place à défendre qui tiennent régulièrement un piquet d’informations sur la place. Max, de la libraire Pécari Amphibie et ancien propriétaire du mythique café-concert Le 1929, fermé en 2009, reste philosophe « Peut-être que ce sera une connerie. Peut-être que ce sera un truc bien. Je ne sais pas. Et quand je ne sais pas, je ferme ma gueule ».

Le film ne proposant pas d’informations chiffrées, il s’arrête plutôt à un essai, des tranches de vie qui s’interrogent (avec malice et humanité) sur l’avenir de cette place. Il faudra donc aller chercher par soi-même le coût des travaux (à peu près 107 millions d’euros pour le chantier total du couvent), et tenter des connexions avec d’autres idées déjà attaquées : la fermeture des cafés-concerts, le réaménagement urbain (un parking en plein centre historique, quelle pollution à venir ? Cela entraînera-t-il un gentrification accrue du vieux Rennes ? Et surtout, les chargés d’affaires viendront-ils boire une mousse avec les étudiants ?

Fortement applaudi, le film a surtout vocation à poser le débat; par extension, à interroger sur une société résolument concurrentielle. Une chose est certaine, la ville bouge, et la place Sainte-Anne ne sera plus la même. Personne n’étant devin, personne ne saura à quoi elle ressemblera dans 2, 5 ou 10 ans. Il faudra attendre et observer. Les chiffres eux, sont cependant déjà disponibles pour le budget du couvent des Jacobins : le double de celui initialement prévu.

La page de Ker’doc

La page de Place à défendre

Les sites web des grands chantiers de Rennes :

Le couvent des Jacobins

La ligne B du métro

Eurorennes

Pour réaliser leur film, les étudiants ont fait appel à une modeste participation des internautes. Ils en avaient fait une annonce vidéo, à l’image de : « si tu prends un café à Sainte-Anne, amène ton porte-voix ».

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