Ce n’était pas un procès ordinaire auquel nous conviaient, jeudi 9, vendredi 10 et samedi 11 avril dans le cadre de Mythos, l’artiste Yann Duyvendak et le dramaturge Roger Bernat. Tous deux ont collaboré à la mise en scène de cette pièce de théâtre au dispositif unique. Outre la présence des acteurs, ceux-ci ont fait appel à de véritables professionnels de la justice (avocat général, avocat de la partie civile, avocat de la défense, expert psychiatre et huissier audiencier) afin de rejouer sous les yeux d’un public concentré, un vrai-faux procès.
« Please, Continue » ? (Hamlet) ?
Le choix de ce titre fait suite à la lecture des procès verbaux de Guantánamo. Yann Duyvendak raconte lors d’une interview donnée à Libération, combien ils furent impressionnés avec Roger Bernat, par cette parodie de justice pendant laquelle les juges, impatients d’en finir, ne cessaient de « répéter à ces pauvres types, qui pour la plupart ne parlaient même pas anglais « Please, continue, please, continue »". Ou quand la justice se fait spectacle…
Quant à Hamlet ? Dans un premier temps, Yann Duyvendak et Roger Bernat souhaitaient s’appuyer sur un grand texte du registre shakespearien, hésitant entre Othello et Hamlet pour finalement retenir ce dernier « parce qu’il y a cette mise en abyme dans la pièce, où Hamlet monte une pièce de théâtre pour montrer que son oncle aurait tué son père« . Ayant pris connaissance d’une affaire réelle s’apparentant à l’histoire d’Hamlet, « avec des protagonistes qui purgent une peine de prison, on trouvait indécent de les représenter par des acteurs. Seul le contexte socio-historique et économique de ce cas réel, un quartier pauvre de la banlieue, a été conservé, avec, par-dessus le canevas d’Hamlet ».
L’histoire tient en quelques lignes : Hamlet, jeune homme de 26 ans au moment des faits, tue accidentellement Polonius, le père de sa petite amie Ophélie. Seule témoin de cette scène, Gertrude, la mère d’Hamlet. Ce cas peut paraître simple. Or, lors du procès auquel nous avons assisté, nous avons pu prendre pleinement conscience de la complexité ce cette affaire et des doutes qui ne cessent de subsister. Lorsque les plaidoiries prirent fin, furent choisis huit jurés dans l’assistance qui durent délibérer quant à l’innocence de l’accusé. Accompagnés de leur carnet (qui était remis à chaque spectateur lors du début de la pièce), le verdict fut sans appel : acquitté !
Ce spectacle fut l’occasion de découvrir de merveilleux comédiens : les avocats. « Il y a une tradition en France des concours d’art oratoire. Beaucoup d’avocats prennent des cours de théâtre ou du moins de rhétorique dans le cadre de leur formation.« . Et ce fut, en effet, un combat âprement disputé d’autant plus spectaculaire que tous ces professionnels de la robe noire n’avaient découvert le dossier que peu de temps avant leur entrée sur scène. Autre performance, celle des comédiens (cette fois-ci, les vrais, repérables par leur T-Shirt jaune), constamment dans l’improvisation et celle du public qui est appelé à faire partie lui aussi du dispositif (par la prise de note, la délibération des jurés) tout le long du spectacle et ainsi permettre la résolution de l’affaire et donc de donner fin à la pièce.
La pièce de Yann Duyvendak et de Roger Bernat nous propose de nous réinterroger sur la notion de justice. Que signifie ce mot ? Qu’implique-t-il ? Et de réaliser, par l’expérience pédagogique et sensible du spectacle, à quel point la justice est avant tout humaine, faite par des hommes et donc potentiellement imparfaite…
Informations pratiques :
Professionnels de la justice (pour le vendredi 10 avril) : Mme Nicole Faugère (Présidente), Maître Stéphane Cantero (avocat général), Maître Marie Kervennic (avocate pour la partie civile), Dr Marlène Abondo (expert-psychiatre) et Me Edouard Le Boulanger (huissier audencier).