Ni Dieu ni maître. Auguste Blanqui, l’enfermé

Parution de mars 2014, chez Casterman, une biographie maîtrisée sur Auguste Blanqui, de Loïc Locatelli-Kournwsky et Maximilien Le Roy, Ni dieu ni maître retrace l’histoire d’un révolutionnaire socialiste.

Une bande dessinée documentée sur la vie de celui qu’on a surnommé l’ «enfermé», Auguste Blanqui. Le socialiste radical et libertaire qui fut l’inventeur de la formule, devenue célèbre « Ni Dieu ni maître », titre du journal qu’il créa en 1880. Un nom égaré dans l’histoire, tombé dans l’oubli, introduit Maximilien Le Roy dans sa préface « Blanqui ? Son nom, à défaut d’être entré dans la mémoire collective, figure au fronton de nombre de nos rues ». Il est vrai que son nom n’a pas eu la postérité d’un Marx, Engels, Proudhon, voire même d’un Bakounine. Pour autant, Blanqui n’est pas non plus un inconnu. Et cette biographie fouillée permettra peut-être de raviver la mémoire collective et de rappeler ce que furent les combats permanents, les luttes et les insoumissions de celui qui passa 33 ans et 7 mois en prison, 6 années d’exil ou de surveillance policière, ainsi que 8 mois de résidence forcée. Mais qui, malgré tout, fut, ou presque, de toutes les révolutions, de tous les combats. Pour la liberté. J’ai cité plus haut deux figures emblématiques du communisme et deux figures de l’anarchisme. Pour une raison qui me semble justifiée. Même si Blanqui est un des « véritables chefs du parti prolétarien », comme l’affirme Marx, il développe aussi un nombre conséquent d’idées que l’on rapprocherait volontiers de l’anarchisme. Ce n’est ni un Max Stirner, ni un Makhno ou un Bakounine, mais voilà, il n’en reste pas moins un libertaire convaincu.

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Nous revivons tous les grands moments du XIXe siècle.

Avec ce récit, nous revivons tous les grands moments du XIXe siècle. Les révoltes et les insurrections manquées. Les révolutions décevantes. Le XIXe siècle défile ainsi, à une vitesse incroyable, on se perd dans le flot des souvenirs d’Auguste Blanqui, 70 ans, qu’un journaliste est venu interroger dans sa prison en 1877. Peu de temps avant qu’il ne soit de nouveau gracié par le gouvernement d’Adolphe Thiers, grâce au soutien d’un tout jeune parlementaire, Georges Clémenceau.

C’est un beau moment de micro-histoire. Une belle biographie. On y rencontre Clémenceau donc, mais aussi Armand Barbès et sa grosse barbe rousse. Lamartine. Thiers. Et même Michelet, l’historien, avec qui Blanqui déjeune un midi en terrasse d’un bistrot parisien. Ils s’indignent, tous deux, des gens qui, autour, s’amusent et ne cherchent qu’à se « distraire », alors que le Second Empire a anéanti toutes les passions, éliminé toute opposition et réduit au silence la presse.

blanqui1-thumbUn dessin qui nous entraîne avec force dans le récit.

Parfois, les anecdotes roulent trop vite. Mais on y est tout de même entraîné avec force. Et le dessin n’y est pas pour rien. Le trait noir et épais pour les contours des visages et des corps, qui donne une forte empreinte dramatique. Qui renforce aussi le portrait sombre de Blanqui. Pâle, barbu, mince, au nez de rapace, ses mains gantées de noir. Plusieurs planches confrontent Blanqui à un corbeau. Il est en prison, il regarde le ciel et ce corbeau noir, qui lui ressemble un peu. Fier et le regard profond, sombre et profond. Et puis ces flous marronnés qui donnent aux souvenirs de l’envergure. Les corps élancés sous la plume. Quelques personnages ont pu me rappeler ceux que l’on retrouve dans l’Ibicus de Rabaté. Presque. Il y a une véritable vitalité et un rythme clair qui font le sel de ce livre.

« Calomnie, calomnie… il en restera toujours quelque chose ».

Je l’ai acheté au Pécarie Amphibie. Max, le libraire était là. Avec sa voix rocailleuse et sa passion qui déborde comme toujours. « Si je peux me permettre, me dit-il, j’ai lu quelques extraits par-ci par-là de Blanqui… et il y a une phrase que je n’oublierai jamais, jamais : « Calomnie, calomnie… il en restera toujours quelque chose » ». Blanqui c’est ça. C’est à lire, ne serait-ce que pour mesurer le courage intellectuel d’une personne face à une société qui use de toutes les fourberies pour l’arrêter, face à un peuple qui croit que rien ne peut changer. Comme si le monde était immuable. Comme si l’Utopie était irréalisable. L’Utopie c’est l’irréalisé, comme dirait Michel Onfray. Non l’irréalisable.

 Ni dieu ni maître – Une bande dessinée de Locatelli-Kournwsky et Le Roy – Parution : mars 2014 – Casterman – 198 pages.

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