Sous la rage, « La Nausée » de La Canaille

La Canaille fait sa rentrée et bonne nouvelle : elle continue de prendre ces mauvaises habitudes en classe. Ne vous attendez pas à ce que la Canaille lève le doigt pour avoir la parole. Non, elle  préfère la prendre. « J’écris cet album dans un contexte encore plus merdique que le premier » dit-elle d’emblée et le retour de Sarkozy n’aggravera que très légèrement les choses. Ok, on en discutera plus tard. Car oui, il faut savoir que La Canaille est un de ces rares groupes qui prend parti et sachez qu’elle ne lâchera rien. Ça me ressemble un peu et ça me parle. « La Nausée », c’est exactement ce que je ressens aujourd’hui.

la_canailleMa première rencontre auditive avec La Canaille s’est faite aux alentours du Jardin Moderne. C’était il y a trois ans. Je partais seul à un ciné-concert dans lequel jouait Robert le Magnifique. Je ne connaissais pas le Jardin Moderne, j’allais à mon premier ciné-concert de ma vie, je ne savais pas sur quoi j’allais tomber. Un moment que j’allais vivre seul mais entièrement. J’avais le temps du trajet pour m’y préparer mentalement. J’étais assis à l’avant du bus. Il n’y avait que deux passagers : moi et ce mec au fond. Le bus s’arrête au terminus : « Tout le monde descend. »  Je pensais qu’il m’emmènerait plus loin. Il va falloir marcher un peu. Après réflexion je crois que le chauffeur voulait finir sa journée plus tôt. Je me dis que ça commence bien mais bref, pas le temps de s’attarder sur des interprétations douteuses et je descends du bus. Le type du fond descend aussi et m’aborde en me tutoyant : « Excuse-moi mais tu sais où c’est le Jardin Moderne ? » Je lui réponds en le vouvoyant que j’y allais et qu’il n’avait qu’à me suivre. J’enlève mes écouteurs pour paraître plus poli. On commence à discuter. Il me tutoie toujours. Il doit avoir mon âge. Je me lance et le tutoie aussi sans lui demander la permission. On parle de musique et plus particulièrement de rap. Il venait de Paris et souhaitait voir la scène rennaise par curiosité. On entre dans la salle, il devait rejoindre un groupe d’amis. Je le relance et lui paye un coup. Super ciné-concert. On passe toute la soirée ensemble pour se retrouver dans l’appart’ d’un prof de Rennes 2. On parle encore et encore musique : « T’écoutes Rocé ? Tu devrais écouter la Canaille. Ça se ressemble un peu et ça te plaira je pense. » « La Canaille » ? Le nom à l’air louche et ne m’inspire rien. Le bougre, il ne s’est pas trompé ! Premier contact.

Deux superbes albums sont passés et « La Nausée » sort le 22 septembre. La Canaille s’entoure de têtes connues dans ce court-circuit musical : Dj Pone (Svinkels, Birdy Nam Nam, etc.), Serge Tessot-Gay (Noir Désir, Zone Libre), Sir Jean (Le Peuple de l’Herbe). D’autres que je découvre : Dj Fab (pourtant un « vieux » de la vieille), Lazare et Lorenzo Bianchi.

« Et j’écris comme je cause. La rime est dangereuse donc je la dose. Elle peut facilement modifier mon point de chute. Et tout est dans la chute. La rime c’est de la forme et la rime sans fond c’est un uppercut sans punch, un coup foireux. C’est des mots rajoutés pour qu’elle tombe au bon endroit. Des compromis de vocabulaire pour qu’elle sonne. C’est la chape de plomb d’une mécanique prévisible et grossière. Je n’écris pas pour rimer mais pour exprimer. Et l’enjeu réside à le faire de la manière la plus sincère pour que ça touche, pour que ça perfore. Avec le mot le plus tranchant, le mot le plus précis. Celui qui force l’écoute parce qu’il est lourdement chargé. Le mot debout de l’oppressé,  du rescapé, du fugitif et ouais les mots. Toujours les mots. Je veux des tripes, je veux savoir de quel feu tu brûles, je veux que la pensée déroule jusqu’au point d’exclamation. » [La Canaille - Extrait de "Décalé"]

Après avoir vu le clip « Jamais Nationale », on avait peur que La Canaille ne se renouvelle pas et ressasse ses éternels penchants même si je suis persuadé que ce clip est bon à prendre. Première écoute. Changement de décor. La Canaille s’est brutalement levée et est partie de la classe. Après la colère et la rage, place au feu et aux cendres, à ces histoires de vie aux récits jonchés de ronces et aux basses sanguinolentes. De l’amour desséché à la vieillesse qui en réclame encore un peu, de l’immigré risquant sa vie au voisin sdf alcoolisé qui cherche à se défendre, à la banalisation d’un racisme déguisé en rire à la « femme-bûcher », les réalités sont multiples. La Canaille a changé la forme. Pas le fond. Je suis en accord quasi-total avec son discours (je manque peut-être de recul). Dépeindre la réalité et la regarder en face. C’est ce que certains ont du mal à faire quand ils acclament leurs leaders politiques. « Omar » leur répond. On pourra toujours reprocher à La Canaille leur engagement « trop » politique mais personnellement je ne sais toujours pas ce qu’on veut dire par là. Je regarde certains commentaires merdiques de Youtube du clip « Jamais Nationale ». À croire qu’ils devraient s’excuser de se sentir concernés.  Je préfère ceux qui prennent des risques et assument leurs actes. La Canaille en fait partie. À sa façon. Avec La Canaille, il y a toujours quelque chose qui se prépare.

La Canaille est en écoute libre ici

 La Nausée – Un album de 12 titres de La Canaille – Sortie : 22 septembre 2014. Autoproduction.

2 comments

  1. Sympa comme musique, je ne connaissais pas l’artiste.

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