Pétris de poésie et de musique créole, cela fait plus de vingt ans que le groupe Lo’Jo trace dans le paysage musical français sa route singulière, rythmique et colorée. Ils avaient rêvé d’un album instrumental; ils l’ont fait, en l’accompagnant d’un travail photographique. Et de bonus. 310 lunes, 310 notes égrenées, 310 souffles.

Pour être plus précis, 310 lunes correspond en réalité au nombre de cycles lunaires de la carrière de Lo’Jo, soit 310 multiplié par environ 27, soit 8370 jours ou 697 mois et demi si vous préférez, ou encore 23 ans. Bref nous nous perdrions en calculs imprécis et à l’Imprimerie, nous ne raffolons pas des mathématiques. Ni de l’astronomie. Nous allons garder la lune comme un symbole bienveillant qui planerait au-dessus de cette carrière entamée il y a près de 25 ans. Presque une légende qui viendrait nous être murmurée depuis les pays de l’Est.

C’est sur une place de Cracovie en Pologne que débute la collaboration avec le photographe Bogdan Konopka, qui figera sur papier des instants de la carrière du groupe, qui a bourlingué au milieu de la « foule funambule ». Ce sont donc aujourd’hui 70 clichés en noir et blanc qui sont offerts dans ce coffret. Des visages, des instruments, des flous et des sourires, des répétitions, des enfants, une sieste, des danses. Un coffret en guise de boite à images, et de boite à musique bien sûr.

Car 310 lunes est tout d’abord un disque, un disque instrumental qui se recentre sur les compositions en éloignant les mots de Denis Péan. Quoique, à l’écoute, il semblerait que la poésie reste tapie sous les notes suaves du quintette à vent et des cuivres. Neuf titres qui sont des réécritures, parfois éloignées du thème principal, parfois beaucoup plus fidèles; mais exit la section rythmique, alors nous vous mettons au défi d’aller retrouver chaque titre correspondant (on a facilement retrouvé « Je prends la nuit » derrière « Quelqu’un d’elle »). Alors du Lo’Jo sans mots, est-ce possible ? Oui, ça fonctionne, car la réécriture a été confiée à Renaud-Gabriel Pion, un ancien de Lo’Jo, qui connait sans faille les compositions du groupe, et les as remaniées pour les ramener à une de leur composante essentielle : le souffle. Celui qui se cache dans les respirations de la mesure, dans les plis des thèmes traditionnels, dans tous les paysages que Lo’Jo a pu tracer. Les mots, peut-être s’agit-il de les trouver nous-mêmes désormais. Des invités viennent nous y aider, eux aussi des « voyageurs du son », avec la collaboration de Magic Malik, nom incontournable de la flûte jazz, Erik Truffaz, Roswell Rudd ou encore Hasan Yarimdünia, grand clarinettiste de la musique tzigane turque.

Tzigane. Oui Lo’Jo est un groupe de tziganes qui est allé chercher aux quatre coins du monde des sonorités et des histoires, qui avait donc commencé avec The International Courabou, un album distribué confidentiellement à l’époque et qui faisait jusqu’ici figure de rareté. Un sacré cadeau donc, qui visait déjà cet « enchantement simple » aurait dit Christian Bobin, une contemplation nostalgique, une danse abandonnée, cherchant à tout prix le goût de la liberté. Un premier disque de huit titres déjà fascinants, qui transformera les saveurs musicales de Lo’Jo en parfums ou en douceurs. Le coffret de 310 lunes, déjà boite à musique et boite à images suivant les empreintes du groupe, se fera ainsi boite à épices, boite à encens, ou boite à trésors. Car ce qui est fragile est précieux.

Le site de Lo’Jo

Lo’Jo – 310 Lunes – Coffret collector avec 70 photographies de Bogdan Konopka – Un album instrumental + une réédition de l’inédit de The International Courabou enregistré en 1989. World Village/Harmonia Mundi – Sortie : 7 octobre 2014

Nous ne pouvons que vous inciter à en profiter pour découvrir le travail superbe de Bogdan Konopka si ce n’est déjà fait.