La vieille usine désaffectée des Ateliers du Vent nous aura soufflé de l’imprimé sous toutes ses couches chromatiques les 12, 13 et 14 septembre derniers. Du noir, du gris, du blanc, de la couleur pétaradante en ligne, en volume pour des représentations abstraites ou d’un réalisme bluffant, c’est qu’ils en avaient à r’vendre sous le manteau tous ces artistes sérigraphistes, graveurs, typographes, imprimeurs et autres manufacturiers du papier. Les p’tits papiers, les grands papiers, de ceux qui sont reliés, de ceux qui s’accrochent, qui se collent, qui se stickent ou qui se bagagent à main en tote bag.
Le Salon des Indépendants
On valse d’un stand à l’autre, en flâneur ou dénicheur de trésors imprimés, en promeneurs de regards et de doigts gourmands sur les livrets, cartes et autres objets proposés à la vente. Passé le moment de l’achat compulsif, c’est l’occasion rêvée de discuter avec ces faiseurs d’images et d’être ainsi au plus près de leur savoir-faire, de comprendre les problématiques qui traversent leur travail. Et c’est là l’un des grands enjeux d’un événement tel que celui-ci.
Chaque jour, nous consommons de l’image. Nous la retrouvons à la télévision sous forme animée, sur internet de clic en clic, nous la croisons au coin d’une rue sur un mur ou sur un corps, en couvertures de nos livres et disques, à l’intérieur de nos magazines aux pages glacées, sur un t-shirt, un sac ou encore pour décorer les savoureuses boîtes de conserves achetées dans un magasin alimentaire. Nous l’apprécions, la critiquons, la détestons, l’achetons, l’arrachons parfois, l’oublions souvent ou encore la conservons précieusement mais toujours dans ce rapport étrange où l’existence de son auteur et le processus de sa fabrication nous semblent lointains voire inexistants. Comme si vraiment, cela ne relevait que de l’imm-imprimée conception.
L’organisation de ces salons nous permet de nous replacer dans un rapport direct avec ces auteurs/producteurs d’images et de concevoir ce qu’implique un travail de création (outre la réalisation elle-même, il s’agit de prendre conscience des difficultés de financement d’un projet, de lui donner une visibilité, des contraintes de temps et de matériaux, etc.).
Et si, suite à cette envolée verbale au lyrisme aussi bouleversante qu’une conversation de comptoir, vous êtes dans l’envie d’aller jeter un coup d’œil plus loin (bravo !), cliquez donc sur ces petits liens (il s’agit des documentaires projetés pendant le Marché Noir) :
- Documentaire de Francis Vadillo – « Undergronde » : https://www.youtube.com/watch?v=_izFepVsZYs
- Extrait du documentaire de Henri Huchon – « Derrière les mots » : http://vimeo.com/75561493 et son dossier de presse : http://www.delautrecote.fr/wp-content/uploads/2013/09/DP-Derri%C3%A8relesMots.pdf
Mettre la main à l’encre et autres merveilles
Un grand nombre d’ateliers pratiques étaient proposés aux curieux de tous âges. Les odeurs d’encre et autres produits utilisés pour la production de sérigraphies et d’imprimés venaient joyeusement vous piquer les narines sous lesquelles vous pouviez parfois apercevoir une moustache tatoographiée (il est à noter que plus d’une petite fille croisées au détour du bibliobus ou de la terrasse ensoleillée des Ateliers, portaient la moustache avec distinction et naturel).
Par ailleurs, outre les tables rondes organisées et celles un peu moins rondes mais tout aussi bien organisées qu’occupaient les assoiffés, des démonstrations de « drawbot » (ou, pour ceux qui défendent la langue française et qui vibreraient de fureur derrière leur écran à la vue de ce mot venu tout droit de la perfide Albion : « machine à dessiner ») étaient mises en place. Non, il ne s’agit pas d’un combat de Transformers prêts à vous décalquer le visage à coup de crayons aiguisés mais plutôt d’une machine mise au service d’esprits ingénieux et créatifs permettant la reproduction d’un dessin vectorisé sur un support papier. Composée d’un moteur, d’un feutre et d’une carte-mère, je ne vous en dirai pas plus et vous renvoie à ce petit lien, pour mieux comprendre son fonctionnement : https://www.youtube.com/watch?v=yMqReACdQ3g (la magie du « drawbot » commence à 1’33 minute) présentant les œuvres de Leplaë Fabien (http://cargocollective.com/leplaefabien), l’un des exposants du salon. Mais aussi à cet autre petit lien, qui résume bien les enjeux et problématiques nouvelles qu’amène l’utilisation de cet outil : http://www.fablab-lyon.fr/projet-drawbot/electic-sheep/
Il serait donc faux de croire que l’édition reste ancrée dans ses crayons et ses feuilles de papiers. De nouveaux outils usant des technologies actuelles font leurs apparitions. Ils viennent réinterroger l’acte de création et de reproduction (outre le Drawbot, on peut aussi citer le stylo 3d pour exemple : http://www.koreus.com/video/3doodler.html). Par là-même, ils s’accompagnent de nouveaux supports d’impression et donc de représentation. Réinterrogeant notre perception sensible de l’image en nous permettant une plus grande interactivité avec celle-ci, le projet « En Kit » de l’Atelier OASP (http://www.oasp.fr/) incorpore la réalité augmentée à la sérigraphie : http://www.veasymedia.com/enkit/
On en redemande !
Et si par malchance, vous n’aviez pas pu vous salir les mains dans l’encre du Marché Noir, sachez qu’il n’est pas tout à fait fini. De nombreuses expositions sont encore visibles sur Rennes :
- La Minuscule Galerie exposera jusqu’au 17 octobre les petites fenêtres de « Façades Percées » de Mathilde Seguin (que l’on peut aussi retrouver, en compagnie d’Agathe Halais, exposante de Barbe à papier au Marché Noir, dans la galerie de l’Antre-temps pour une exposition collective « Petit et tout petit » et ce jusqu’au 18 octobre).
- La Courte Échelle vous fera voir son « Exposition Surprise » jusqu’au 22 septembre.
- Tandis que la Galerie DMA affichera les sérigraphies du Collectif Fantôme jusqu’au 26 septembre.
- Blind Spot, disquaire et libraire, vous fera redécouvrir les pochettes de disques avec son exposition collective « Impromptus » issue d’un appel à projet ouvert à tous et à toutes techniques graphiques. Et ça, c’est jusqu’au 2 octobre.
- Drive In, lui, vous fera voir en 4 par 4 avec son exposition « Teasing » jusqu’au 30 septembre
- Et Le Jardin moderne vous fera revivre jusqu’au 31 octobre, l’ambiance du club « mythique » new-yorkais CBGB grâce aux collectifs du Super Loto Éditions et de l’Imprimerie Trace.
Ne manquez donc pas ces occasions pour vous impressionner la rétine. En attendant la biennale, je ne peux m’empêcher de vous laisser sur ces quelques mots tirés du documentaire de Francis Vadillo et prononcés par l’artiste Charles Pennequin :
« Nous sommes dans l’art,
Nous sommes dans l’art et nous dessinons,
Nous sommes dans l’art,
Nous sommes dans l’art,
Nous sommes dans l’art et nous décidons et nous écrivons,
Nous sommes dans l’art et nous peignons,
Nous sommes dans l’art et nous gravons,
Nous sérigraphions,
Nous sommes dans l’art,
Nous sommes dans l’art,
Nous sommes dans l’art et nous musiquons et nous vidéosons,
Nous osons
Nous sommes dans l’art et nous déconnons
Ça déconne de partout,
De tout partout,
En les gens,
Nous sommes les gens,
Nous déconnons, nous déconnons tout partout,
Ça déconne de partout,
Nous sommes dans l’art,
Nous sommes dans l’art et nous déconnons. »