Les Grands Moyens : Dehors à Guy Ropartz

Pendant plusieurs mois la compagnie Les Grands Moyens a investi la salle Guy Ropartz. Et dans les projets, il y a l’évènement Dehors qui se tiendra du 22 au 26 avril avec notamment huit conférences gesticulées et un concert hip-hop en clôture. Réponses de Boueb, directeur artistique de la compagnie.

les-grands-moyens

■ Bonjour Les Grands Moyens ; pouvez-vous présenter un peu votre compagnie ?

Les Grands Moyens c’est une compagnie de théâtre de rue. Nous passons à l’acte à l’air libre avec des propositions théâtrales. La compagnie est donc composée d’une douzaine de comédiennes et de comédiens, et d’autres compagnons qui s’occupent de l’administration, la technique, la communication, la diffusion, etc. Aborder avec décalage des sujets de société dans l’espace public est notre démarche fondamentale.

■ Les Grands Moyens, pourquoi ce nom ? Être à la hauteur de ses ambitions ?

les-grands-moyens-laboL’idée est même de dépasser ses ambitions, c’est pourquoi les nôtres sont modestes. Le nom ne fait pas référence à une gourmandise budgétaire, nous sommes une petite compagnie émergente… Pour nous, « les grands moyens », c’est le pouvoir de la base, l’excellence des médiocres ou une classe de maternelle, depuis le début c’est l’envie d’être utile aux grandes fins avec notre arme, le théâtre.

Vous venez d’occuper la salle Guy Ropartz pendant plusieurs mois… mais pour quoi faire exactement ?

Nous avons beau jouer dehors, en hiver, nous avons besoin de travailler au chaud et à l’abri. Nous commençons une recherche sur un prochain spectacle, qui aborde notre utilisation du téléphone portable dans la rue et son impact sur les relations humaines dans l’espace public. Nous répétons aussi les spectacles du répertoire et inventons de nouvelles propositions. Nous en profitons aussi pour accueillir des équipes artistiques qui nous sont proches et qui nous tiennent à cœur.

■ Les arts de la rue c’est plutôt grand public; l’éloignement de la salle a-t-elle quand même été un frein pour le public ? votre pari vous semble-t-il réussi ?

Notre ambition était modeste, les ouvertures qui ont eu lieu entre janvier et mars étaient intimistes. Nous invitions à des expérimentations publiques de nos recherches en cours. Les personnes que nous avons rencontrées étaient diverses, comme dans la rue. C’est la visibilité fortuite, qui n’a pas lieu dans une salle, personne ne passe par là par hasard : « euh, il y avait de la lumière, alors… » Le défi tenait plutôt à tisser une relation de proximité et d’avoir une bonne qualité d’échange, et sur ces points nous sommes très enthousiastes. L’écoute et la parole existent dans un groupe de 60 personnes.

« Ça deviendrait long de démentir l’incessante intoxication simplificatrice des médias. »

■ En ce moment il y a beaucoup de mouvement du côté des intermittents, quels sont selon vous les écueils principaux du spectacle vivant aujourd’hui ?

C’est une question difficile à traiter en quelques mots, il y a beaucoup d’entrées possibles. Pour le spectacle vivant comme ailleurs, le danger général, c’est le libéralisme. Les pouvoirs publics doivent s’occuper davantage des personnes, si différentes, qui composent notre société, pour qu’elles soient dignes et s’émancipent. Les visions corporatistes du secteur culturel nous éloignent de l’enjeu réel du spectacle vivant. Pour être concis, j’y vais (trop ?) radicalement : le problème majeur est que les politiques publiques abordent le champ artistique de deux manières trop éloignées pour être complémentaires. D’un côté l’art (appelé « Culture ») et de l’autre la culture (appelée « cohésion sociale » ou « éducation populaire ») ; autrement dit, d’un côté les potentielles futures grandes œuvres pour l’humanité, repérées par la petite bourgeoisie, et de l’autre le « tout venant » populaire, folklore, divertissement, action culturelle et culture de masse. Il faut être plus attentif aux droits culturels et à la diversité.

Quant aux intermittents, je crois que ce qui gêne le plus, c’est que des artistes s’autoproclament sans être formés et choisis. Ce n’est pas parce que ça coûte cher, puisqu’au contraire ça rapporte beaucoup. Mais là, ça deviendrait long de démentir l’incessante intoxication simplificatrice des médias… Ce qui gêne, c’est peut-être l’insolence d’une apparente liberté.

■ Fin avril vous annoncez un grand événement intitulé Dehors ; de quoi s’agit-il ?

dehors-les-grands-moyensNous invitons à la rencontre et au brassage.

D’abord, le jeudi 17 avril avec la Nuit des grands moyens (ND4J), où nous jouerons avec la fusion du sport et de la culture. Il y aura par exemple des attractions comme le combat de livres et des performances inédites comme un entraînement de boxe anglaise sur scène accompagnée par une violoniste.

Puis du mardi 22 au vendredi 26 avril nous accueillons dans le théâtre les huit nouvelles conférences gesticulées du Pavé sur des thèmes variés tel que le journalisme, la parentalité, la sécurité, l’école ou le féminisme. C’est de la connaissance intelligente et abordable que l’on triture avec les mains.

Les 25 et 26, les spectacles de rue se déploient dans la rue Alexandre Lefas, au Gast, à proximité de la salle Guy Ropartz. Nous y jouons « Grève du crime », notre précédent spectacle. Trois compagnies nous rejoignent : « Rouge », « Les Frappovitch » et « Carnage Production » pour un programme aux couleurs complémentaires : geste et parole, poésie et rigolade, petites histoires et sujets de société, le tout rythmé par des interventions musicales.

Notre passage à Ropartz se conclut par une soirée concert hip-hop. O’Slim (human beatbox) et Hippocampe Fou (rap aquatique) font bouger le paysage du hip-hop français. Ils sont là pour cette raison, et aussi parce qu’ils contribuent à boucler la boucle des prises de paroles libres et débridées, à la fois politiques, poétiques et humoristiques. Nous finirons en dansant avec DJ Freshhh.

■ Votre dernier coup de cœur artistique ?

1watt-sharon-gilhamHormis les coups de cœur qui seront avec nous « Dehors », le spectacle « Be claude » de la compagnie 1 watt m’a transporté. Pierre Pilatte est « réjouissif », il propose un personnage qui fait de la place à sa partie féminine en cheminant dans une rue. Tout en geste, il se cherche et se trouve, il passe du doute au vide et nous fait partager une liberté jubilatoire. Dans la rue, il y a plus que le spectacle, on voit les gens qui le regardent et les autres, leurs regards, leurs commentaires, leurs mouvements. Pierre Pilatte joue tout ces instants, c’est toujours autre chose. C’est ça qui me plaît avec les arts de la rue, c’est parfois du spectacle plus que vivant.

Tout le programme de l’évènement Dehors

Envie de réagir ?

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>