Par dépit, hier, j’ai pénétré dans la salle où était diffusé le film Monuments Men. Je ne m’attendais pas à grand-chose et je n’ai pour cela pas été déçu. Il n’y a rien à attendre de ce film.
La thématique abordée peut être séduisante, au regard de l’actualité. Nous savons combien il est essentiel, aujourd’hui, de nous soucier des sites culturels et archéologiques, des œuvres et des documents relatifs à l’histoire et à la culture d’un pays. Rappelons-nous les images effroyables du pillage du musée de Bagdad en 2003, ou encore les destructions fanatiques des Bouddhas de la vallée de Bamiyan en Afghanistan, par les talibans. Récemment, les manuscrits de Tombouctou ont aussi subi les affres de la guerre. Plusieurs mausolées de la même ville ont été rasés. En Syrie, aujourd’hui, plusieurs monuments, sites et objets patrimoniaux sont en danger. L’UNESCO a établi une liste rouge des biens susceptibles d’être vendus illicitement. L’ancienne ville de Damas, le site de Palmyre, le Crac du Chevalier sont autant de lieux emblématiques menacés voire déjà détruits. La communauté internationale ne peut malheureusement pas faire grand-chose, si ce n’est établir des listes des œuvres et monuments à protéger, réaliser des rapports et établir des contacts avec les responsables sur place encore soucieux de leur patrimoine. Monuments Men s’inscrit donc un contexte particulier. Le film est censé servir la cause de la protection du patrimoine universel. 7 spécialistes sont chargés de retrouver des œuvres volées, pillées et menacées de destruction par les nazis, pendant la Seconde Guerre mondiale. Quelques aphorismes, à droite à gauche, articulés avec toute la verve mélodramatique d’un George Clooney grave et un peu ridicule, pourrait donner un peu de sens au film. Mais ils représentent un bien maigre contenu.
Jamais un film n’a été aussi mal ficelé
Le ton adopté au début aurait pourtant pu porter le film vers autre chose. On sent immédiatement les références, excellentes d’ailleurs, au cinéma américain des années 70. Un jeu, une ambiance, une manière de filmer, qui rappellent ici Papa Schultz, là MASH ou encore Les têtes brûlées. Mais, à peine quitté la bonne vieille terre de l’Oncle Sam, nous voici projetés, trimballés d’un endroit à un autre, toujours, sans que le récit nous y emporte d’une manière naturelle. Les scènes se succèdent, pour se succéder. Le réalisateur a quelques blagues à placer, alors il les place. Il veut aussi ajouter un peu de mélancolie, alors on voit, sans que cela n’ait de sens par rapport à la sensibilité que le récit fait passer, Bill Murray les larmes aux yeux, nostalgique de sa famille, de son pays. Il fallait la petite goutte. Il fallait montrer aussi le dévouement des braves Américains. Alors on voit monsieur Clooney ramener un type que personne n’a vu jusqu’ici, le déposer à l’infirmerie mobile. Le type meurt. Aucun lien avec le reste de l’histoire. Et là, se lit sur tous les visages le désespoir. Jamais un film n’a été aussi mal ficelé. Quel dommage, il y avait matière pour un excellent film.
Dernier détail qui me laisse perplexe. Tout au long du film, on suit principalement la quête de quelques œuvres d’art. La statue de marbre de Michel-Ange représentant une vierge à l’enfant et conservée dans l’église Notre-Dame de Bruges, un autoportrait de Rembrandt et le fameux retable de l’Adoration de l’Agneau mystique de Jan Van Eyck. Ce dernier est un véritable chef-d’œuvre de la peinture flamande. Mais tout au long du film, les différents protagonistes ne cessent de le nommer « Le retable ». Jamais le nom du peintre, pourtant célèbre ou encore de la scène représentée n’est cité. Pourquoi ? S’il s’agit de réaliser un film sur l’importance des œuvres dans une société, comme pilier culturel et mémoriel, pourquoi ne pas citer un des grands noms de la peinture flamande. « Parce que tout le monde ne connait pas peut-être ? » Eh bien justement, un film n’est-il pas censé élever un minimum, instruire, lorsqu’il aborde ce type de sujet ? Soit, on prend le parti d’une comédie, comme cela semblait être le parti pris au début du film, soit on réalise un film à visée didactique. Aucun des deux. Ce film n’a malheureusement rien pour lui. Et encore, je ne parle pas de la performance médiocre de Jean Dujardin, qui face à des Bill Murray, John Goodman ou Matt Damon, incarne seulement le bon petit frenchie.