À l’occasion de ses dates de concert à Rennes et de ses multiples projets, nous avons posé quelques questions à Laura Perrudin, harpiste, chanteuse et compositrice rennaise qui officie dans le milieu jazz local depuis bon nombre d’années.
■ Quel est ton parcours musical, jouant autant en solo qu’en quartet ?
Je me produis en solo depuis l’âge de 16 ans. Au début je jouais surtout dans la rue ou dans des petits lieux (cafés, bars…). En parallèle de mes études classiques au conservatoire de Rennes, j’essayais de jouer/chanter un peu de tout à la harpe celtique (blues, folk, jazz, « musiques du monde »…) tout en bricolant de la musique électronique chez moi. Pendant ce temps-là, je cherchais un luthier capable de me construire une harpe qui semblait ne pas exister à l’époque : une « harpe chromatique à cordes alignées ». J’ai enfin rencontré ce luthier en 2007, il s’agit de Philippe Volant, il avait alors construit une harpe qui correspondait à mon idée pour un harpiste du nom de François Pernel. Philippe m’a donc construit une harpe chromatique et j’ai ensuite passé une année à « réapprendre à jouer de la harpe » sur ce système. J’ai monté mon groupe en 2010 et les choses se sont mises en place petit à petit…
■ Tu joues sur une harpe très spéciale ; une harpe celtique entièrement chromatique. Pourquoi ? Comment l’expliquerais-tu aux novices ou aux non musiciens ?
J’ai grandi dans un environnement musical assez varié, le jazz étant probablement le monde musical dont je me sens la plus proche or on y trouve une richesse harmonique infinie que les harpes « habituelles » ne permettent pas d’explorer. En effet la harpe celtique et la harpe classique sont diatoniques (un peu comme les touches blanches d’un piano) et dotée de systèmes d’altérations limités (pour jouer les notes des touches noires d’un piano, il faut actionner des mécaniques manuelles dans le cas de la harpe celtique ou des pédales dans le cas de la harpe classique). Cette nouvelle harpe chromatique qui a les notes blanches et les notes noires du piano sur une seule rangée de cordes, me permet en revanche d’explorer des horizons harmoniques beaucoup plus vastes.
■ Tu présentes cette semaine à Rennes ton premier ep en quartet « Profane cookery » ; quelles ont été vos plus fortes influences ou vos sources d’inspiration ?
Il y en a beaucoup, musicales comme poétiques ou encore picturales… je pense aux poèmes de James Joyce, Jean Moréas ou Oscar Wilde que j’ai mis en musique et qui donnent forcément une direction à chaque morceau. Si je ne devais citer que quelques-unes de mes plus grandes influences musicales de très longue date, je citerais Wayne Shorter, Claude Debussy, Björk, Erykah Badu, ça décrit un spectre assez large je crois.
« Travailler en autoproduction permet aussi d’être tout à fait libre dans ses directions artistiques »
■ En parallèle tu as réussi une collecte en crowfunding pour ton premier album solo ; tu peux nous en dire plus sur ce projet ?
C’est un album qui, je pense, représentera de façon assez complète mon identité musicale. J’ai passé un mois seule dans une petite maison perdue dans la campagne transformée en home studio pour y enregistrer des morceaux harpe chromatique / voix mais aussi des choses plus orchestrales avec des percussions, des harmonies vocales, de la production électronique… On y trouvera des ambiances et des influences très diverses, acoustiques et électro, avec une place faite à l’improvisation. Il sortira à la fin de l’année 2014.
■ Cette collecte révèle-t-elle qu’il est plus difficile aujourd’hui d’être repéré et produit par un label qui investit ?
Oui, il est très difficile de trouver un label qui investit aujourd’hui, surtout pour un premier album. Cela dit, même si cela représente beaucoup de contraintes, travailler en autoproduction permet aussi d’être tout à fait libre dans ses directions artistiques, ce que je trouve très précieux.
■ Tu dois également faire la première partie de Kellylee Evans au 1988 live club ; comment a pu avoir lieu cette date ?
J’avais contacté Sylvain Le Pennec (qui s’occupe de la programmation du 1988 actuellement) il y a quelques mois pour lui faire écouter mon groupe et mon projet solo, il a apprécié le projet et m’a proposé de faire cette première partie, tout simplement. Le fait de jouer en solo (la plus petite formation qui soit !) permet plus facilement aux programmateurs d’envisager des double plateaux. Ce cas de figure va d’ailleurs se présenter plusieurs fois pour moi cette année et j’en suis ravie : je jouerai aussi en solo en première partie de sortie d’album du groupe « The Khu » au Vauban à Brest le 20 février, et en première partie d’une chanteuse qui est autant une amie qu’une source d’inspiration, Leïla Martial, ce sera au Pannonica le 21 mai.
■ Finalement à Rennes officiellement « ville rock », beaucoup de bœufs, de musiciens jazz ; alors Rennes ville jazz également ?
Oui ! Il y a beaucoup de bons musiciens à Rennes et dans beaucoup de domaines, le rock est loin de prendre toute la place. La communauté des musiciens de jazz rennais de ma génération est soudée et dynamique, il se passe beaucoup de choses en ce moment, beaucoup de beaux projets prennent forme.
■ Quel serait ton dernier coup de cœur musical ?
Hiatus Kaiyote, un groupe australien assez ovni, formidable.
Laura Perrudin sera en concert à Rennes au Hibou le 7 février pour Profane Cookery
et au 1988 live club le samedi 15 février en solo et en première partie de Kellylee Evans