Après avoir joué dans des films en tout genre, l’acteur Joseph Gordon-Levitt passait derrière la caméra pour Don Jon, un film certifié 100% Gordon-Levitt, le 25 décembre dernier.
Joseph Gordon-Levitt démarre sa carrière en tant qu’acteur dans des comédies familiales et romantiques, notamment dans 10 things I hate about you et 500 days of Summer. Dernièrement, il s’était aventuré dans des films plus sérieux tel que 50/50 où il incarnait un jeune homme atteint d’un cancer, puis des films d’aventure à gros budget et effets spéciaux tels que Inception, The Dark Knight Rises, ou encore Looper. Don Jon est son premier long métrage, il en est le scénariste, le réalisateur et le personnage principal. Le film est montré au Sundace Film Festival et est largement apprécié. Rotten Tomatoes lui attribue le score de 81%, ce qui, pour un premier film, est excellent.
Dans Don Jon, Joseph raconte l’histoire d’un Américain issu d’une famille un peu beauf qui vit selon un certain rituel. Il décide un jour de bousculer ses habitudes pour tenter une relation avec la belle Barbara, jouée par Scarlett Johansson. Seulement, Jon a une certaine conception des relations sexuelles qui ne colle pas avec celle de Barbara, pétrie des histoires d’amour des comédies romantiques : lui préfère le porno et la masturbation. Il faudra l’arrivée d’Esther, interprétée par Julianne Moore pour que Jon se remette en question.
Critique :
Une réussite pour ce premier long métrage intelligent et complet. À la fois critique envers une société américaine qui prône et diffuse l’idéalisation de l’autre à travers les médias, et envers la religion qui distribue aveuglément des Pater et des Maria à réciter sans répondre aux questionnements des brebis égarées ; mais il s’agit surtout d’un portrait psychologique, celui d’un jeune homme qui apprend à se défaire du carcan familial et du modèle qu’on lui impose. Jospeh Gordon Levitt reprend le schéma classique du parcours initiatique et le mène à bout avec une grande dextérité : on apprécie la diversité du film qui mêle critiques et portrait. Il pousse cependant les clichés à fond, si cela gène quelque peu au début, on comprend vite que c’est pour mieux souligner les aspects critiques du film.
ATTENTION MINI SPOILER :
On s’étonne cependant de la fin, de ses deux dernières minutes qui transforment finalement tout le film en comédie romantique ; or comme le film critique largement les comédies romantiques, ce virement final surprend et donne l’impression d’une prise de parti et ajoute une certaine mièvrerie. On aurait préféré une fin plus documentaire, en suspens, un peu comme Shame de Steve McQueen qui met en scène lui aussi le trouble de l’hypersexualité, plutôt que ce basculement complet dans la comédie romantique avec une fin quelque peu moralisatrice. Mais ces deux petites minutes finales ne gâchent pas l’ensemble du film, elles offrent plutôt l’aboutissement d’une guérison, symbolisée par une remise en question générale de soi, par un rejet des modèles et schémas de vie imposés par la société et par sa famille, Jon parvient à troquer l’individualisme pour une ouverture de soi sur autrui.
En Bonus : Marky Marc (alias Marc Walberg) et son célèbre morceau « Good vibrations » rappé par Jon dans le film :
Analyse rapide du film :
Habitué à figurer dans les comédies romantiques, Joseph Gordon Levitt profite de son premier film pour critiquer ce genre de film en soulignant l’idéalisation de l’homme prêt à tout pour sa tendre. Une vision bien individualiste que l’on retrouve dans la critique de l’utilisation du porno à outrance, comme modèle unique de vie sexuelle. La critique va plus loin, elle attaque aussi la forte sexualisation de la femme, omniprésente à la télévision et dans les pubs (le film nous montre une pub qui représente une femme mangeant un burger érotiquement). Le film joue sur les extrêmes et les clichés, la sexy Scarlett Johansson devient une insupportable Barbie mielleuse et quelque peu vulgaire : chewing-gum en bouche, créoles aux oreilles, et faux ongles. Elle joue une prude provocatrice qui s’entiche de Jon, un macho aux cheveux gominés en arrière, adepte du culte de l’apparence avec un corps sculpté quotidiennement, une voiture bien voyante et une moquette impeccable. Si les extrêmes peuvent agacer au début, on comprend vite que leur présence permet de souligner et mettre en valeur les messages du réalisateur, soit une critique de la société, de la religion et de la famille.
Bien que les aspects critiques brodent les contours du film, l’essentiel finalement réside dans l’idéalisation de l’autre et l’insatisfaction du réel par rapport à ce qu’offre le virtuel, une insatisfaction motivée par un individualisme qui refuse de considérer l’autre dans le plaisir. Aussi John ne prend-il du plaisir qu’en solitaire devant des femmes qui donnent plus qu’elles ne reçoivent ; de même que Barbara ne conçoit l’amour que dans la manipulation de l’autre dans l’optique de sa satisfaction personnelle. Le film démarre donc dans la vie de Jon au moment où il tente de s’ouvrir à l’autre et de construire une histoire à deux mais n’y parvient pas car sa vision de la sexualité ne porte que sur une idéalisation du corps et un individualisme amené par le porno. Cette idéalisation vient du fait que l’on prend ce que l’on nous donne sans s’interroger : c’est à partir du moment où Jon pose des questions, interroge sur le fonctionnement des attributions du nombre des Pater et Maria à réciter qu’il prend conscience de son aveuglement et s’ouvre au monde (ouverture symbolisée par la préférence du sport collectif au sport individuel, plus tard représentée par l’abandon du plaisir solitaire pour le plaisir partagé). La société et la famille nous offrent des modèles qui ne sont pas forcément à suivre, à nous de tracer notre propre chemin : Jon le comprend et ne cherche plus à reproduire le schéma paternel ou à se plier aux volontés de sa mère, il suit sa propre voie. Le film dépeint la confusion d’un jeune homme qui, perdu dans le carcan familial, se remet en question et découvre le véritable sens de l’Amour – chose que Barbara n’a su faire.
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