Pour clore la dernière édition du festival Mythos à Rennes, c’était l’Ultra bal d’Alexis Hk et Fixi qui était proposé le dimanche 21 avril. Afin d’en savoir plus sur cet évènement, mais aussi sur les projets de l’accordéoniste multi fonctions et infatigable Fixi, rencontre autour de ses projets, du reggae, et du mélange des musiques. Interview sous le soleil du festival.
- Fixi bonjour ! Sans rapport avec ton couvre chef, tu es à la fois accordéoniste, arrangeur et compositeur; quelle est la casquette que tu préfères ?
Fixi : j’ai pas encore trouvé, je cherche ! Bonne question.. Je crois que j’aime bien changer de casquette justement, avoir différents types de responsabilités, de relation avec un chanteur ou un projet. C’est pas du tout la même énergie, le même regard, la même présence. Tout ça, même si ce sont des projets complexes où il faut mélanger des ingrédients, essayer de trouver un son, une recette, avec la souffrance et l’angoisse que cette épreuve peut engendrer, est finalement assez logique; au début j’ai commencé comme musicien accompagnateur, et petit à petit j’essaie de me libérer, de m’exprimer, de me sentir plus libre avec mes idées, de prendre confiance en ce que je ressens. Ça évolue, donc finalement ma place et ma personnalité s’épanouissent et ma casquette change avec le temps, sans trop que j’y réfléchisse.
- Pourquoi l’accordéon ? C’est un instrument qui n’a pas toujours eu une belle côte de popularité; comment y es-tu venu ?
Il se trouve que mon père faisait de l’accordéon quand il était jeune, et j’ai grandi à un certain moment avec cet instrument dans mon environnement. C’était plus pour accompagner le chant, la chanson française, mais il y a quelque chose dans le son qui me touchait beaucoup. Ça m’a pas fait cogiter plus que ça, mais en fait il y a eu un démarrage, un truc important; j’ai travaillé avec Lio sur un projet assez noir, rock, un peu expérimental. Comme elle est d’origine portugaise, dans son répertoire il y avait un fado. Elle m’a dit « Fixi, il faut absolument que tu joues de l’accordéon sur ce titre », et elle m’a loué un accordéon juste pour faire un morceau. Donc je me suis retrouvé avec un super accordéon chez moi et j’ai commencé à y prendre goût. Après, mon voyage, mon travail, ma relation avec le Brésil dans les années 95, où l’accordéon y est très rythmique, funky, j’y ai vu des projets où le folklore se mélangeait avec des choses plus modernes; là bas les jeunes sont en contact direct avec leurs racines, c’est pas la même culture. A ce moment là c’était la vague du hip hop américain, où la France copiait les États-Unis parfois en cent fois moins bien, et donc j’ai pas mal réfléchi à cette question du renouvellement; j’ai découvert The Roots qui font leur son sur instruments, et comme les américains qui recyclent le jazz, la soul dans le hip hop, je me suis dit qu’il fallait faire la même chose en France avec notre culture. Je me suis donc demandé quelle est notre culture, avec quoi on se sent bien ;à l’époque il y avait un gros rejet de pas mal de choses; l’idée ce serait donc de faire du hip hop avec de l’accordéon ! Là dessus j’ai retrouvé R.Wan que je connaissais déjà et qui cherchait aussi sa voie, qui m’a dit « j’ai écrit un texte sur le métro » et ça a été l’aventure Java.
- Justement dans le domaine de l’accordéon est-ce qu’il y a des gens que tu admires, qui t’influencent ?
Je suis fan de tout ! Il y a des gens extraordinaires partout, comme Lionel Suarez qui travaille beaucoup avec Minvielle. Après je suis pas forcément à écouter de l’accordéon tout le temps, il y a des choses un peu trop traditionnelles, mais j’aime bien quand il y a beaucoup de styles. Par exemple les accordéonistes malgaches, je sais pas si tu connais, au Brésil, à la Réunion comme René Lacaille, Marc Perrone aussi ; j’aime bien ceux qui sont un peu marginaux là dedans, pas forcément de grands techniciens. Dans le monde de l’accordéon il y a toujours un côté virtuosité qui est extraordinaire mais j’aime bien ceux qui arrivent à raconter un truc avec.
- Pour finir sur ces questions musicales généralistes, d’où te vient cette envie de mélanger les styles ?
C’est un besoin de curiosité, un besoin d’apprendre, peut être de se mettre en danger aussi. Je pense que ça vient également de choses familiales, des chocs de cultures, du parcours de tes parents, mon père est parti en Afrique pour la médecine dans les années 60; il y avait déjà l’idée du voyage aussi.
« On est très portés sur le texte et on en a oublié le côté physique »
- L’Ultra Bal pour lequel tu joues ce soir, en quoi consiste-t-il ?
C’est un peu la continuité sur ce que je viens de te raconter, une recherche de folklore, de racines, qu’est ce qu’on fait avec nos traditions, quel est notre rapport à la danse aussi. Avec Java il y avait déjà eu un travail de fait, il y avait un moment de bal qui marchait bien et j’avais toujours eu envie d’aller plus loin. D’essayer de renouveler aussi le folklore, je pense que c’est un peu ça qui nous manque en France; c’est à dire qu’on a un super folklore qui remonte à avant cette tradition littéraire de la chanson, on est très portés sur le texte et on en a oublié le côté physique. C’est ce que j’essaie de trouver mais c’est pas facile, ça se base sur des rythmes, alors qu’on a un peu rompu avec tout ça. Mon utopie c’est aussi d’arriver à faire un bal qui reflète une certaine conscience de ce que représente notre pays, mais aussi ses contrastes, ses liens avec d’autres cultures. Winston pourrait être là ce soir ça ne choquerait pas. Il faut aussi que les gens puissent se lâcher, que les gens partent du sol. Quand tu vas à La Réunion, dans les bals maloya, la musique est partout, elle accompagne le quotidien, et les gens dansent tous ensemble. Une sorte de carthasis qui permet de souffler, et c’est de ça dont on a besoin en France; il y a quelques régions, comme la Bretagne, qui travaille au renouvellement sur cette même question.
- Qui participe sur ce projet ?
Le noyau de départ c’est Alexis Hk et moi. Le projet c’est monté parce qu’il y a aussi une volonté du producteur de spectacles de Java, avec qui on avait déjà parlé de faire un bal il y a longtemps, et je ne le savais pas mais en ce moment il y a un peu une mode du bal. C’est donc un terrain d’expérimentation, et l’idée c’est d’avoir plusieurs invités. Il y a Karimouche, Alexandra Roni Gatica, et ce soir il y a Chloé Lacan qui est accordéoniste.
- Le concept c’est « Ne pas vous ennuyer les dimanches soirs » ?
Oui, le but c’est de que les gens se rencontrent, avec un côté festif, du vin, des choses à manger. C’est d’apprendre à faire le bal, c’est à dire pas un concert, mais que les gens oublient qu’ils sont venus voir quelque chose, qu’ils passent un bon moment.
- En parallèle tu as le projet avec Winston McAnuff qui est déjà sur les rails; sept ans se sont écoulés depuis une première collaboration. Pourquoi le refaire ?
Je vais te dire une chose, je n’ai pas l’impression de l’avoir refait ! J’aurais bien aimé parce que ça aurait été plus simple ! Il y a plusieurs choses; sincèrement je suis fier de ce qu’on avait fait ensemble, et je pense que Winston aussi. Beaucoup de gens avaient aimé le projet, et je me sentais super en harmonie avec ce qu’on avait fait. Après ce sont les producteurs du 1er album qui revenaient vers moi de temps en temps pour faire une suite; les choses se sont présentées quand Winston est passé à Paris, à un moment où j’avais pas mal emmagasiné de nouvelles choses, grâce à La Réunion, à Tony Allen. On avait tous les deux des choses à raconter et ça s’est fait comme ça.
- Il y a en effet sur les titres déjà parus de A new day une esthétique qui est différente de Paris Rockin’..
Oui, c’est pas pareil, tout le monde se met en danger. Il n’y a pas de basse sur scène, sur le disque c’est moins rocailleux, il y a moins de feu d’artifice, je pense que c’est quelque chose d’un peu plus intérieur, avec des choses pour danser aussi, mais on s’est frotté à de nouvelles choses.
- Ce soir le concert est à Mythos; c’est un festival où tu es déjà venu ?
Je crois pas.. En tous cas l’endroit est vraiment chouette. Rennes par contre je suis déjà venu plein de fois.
- A Rennes, il y a au mois d’octobre le festival du Grand soufflet; ça te plairait de venir y jouer ?
Oui bien sûr. Parfois je sais que je me présente pas comme accordéoniste, je joue de l’accordéon à ma manière et pas de façon classique. Je sais qu’il y a pas mal d’accordéonistes qui me voient d’un drôle d’air, je m’intègre difficilement à l’univers de l’accordéon finalement, ce qui peut paraître paradoxal. Avec Java, on n’avait pas tellement de relais avec le monde de l’accordéon. J’aurais aimé aller dans des festivals de musiques traditionnelles, pas uniquement pour présenter ce que je fais mais aussi voir ce que les autres font, pouvoir confronter ça.
- Quel serait ton dernier coup de cœur musical ?
J’ai bien aimé récemment Tunji Oleyana, un chanteur nigérian.
Découvrez le teaser de l’Ultra Bal à la Java (Paris)