Un Peau Rouge à Mythos – Entretien avec R.Wan

Quelques heures avant qu’il ne monte sur scène, R.Wan a bien voulu répondre à quelques questions ; l’occasion de faire le point sur son parcours et sur la sortie de son nouvel album « Peau rouge ». Discussion décontractée dans les loges, l’Imprimerie retranscrit ici-même cet échange.

R.Wan depuis les débuts avec Java en 2000, nous voilà douze ans plus tard ; pensais-tu en arriver jusque-là à l’époque ?

R.Wan : Je m’attendais pas à pouvoir faire de la musique mon métier. C’est un peu arrivé par hasard, et j’ai eu la chance que ça marche tout de suite. Mais en même temps j’ai galéré après, j’ai fait le chemin à l’envers.. c’est bête quand on a déjà le goût du succès ! En tout cas je réussis à en vivre depuis douze ans… donc pourvu que ça dure !

Le concert à la Maroquinerie fin mars est complet, il y a pas mal de dates sur cette tournée Peau rouge, ça se présente plutôt bien non ?

- Ça se présente bien, le concert marche, j’ai monté une nouvelle équipe ; je bosse avec un groupe qui s’appelle Saint-Ouen All Stars et ce sont des musiciens qui travaillent surtout pour des musiques de films. Les trois personnes ont donc arrangé le dernier disque et j’ai pris un peu plus de temps pour le faire puisque j’ai arrêté Java, contrairement aux projets Radio Cortex qui étaient toujours dans une certaine urgence. Là j’ai eu plus de temps donc c’est plus homogène ; j’aimais bien les autres, c’était plus spontané, ça partait dans tous les sens, mais là j’ai fait un album un peu plus arrangé, un peu plus chanté aussi, qui fait référence à des musiques de film, peut-être un peu plus sombre avec moins de chansons festives. Dans d’autres disques je faisais des parodies, là c’est un autre ton.

Ma prochaine question est grillée…

- Euh… oui d’ailleurs j’ai bien répondu à la question précédente ? Ah oui, savoir si la tournée s’annonçait bien ! Il y a des dates, mais on a de plus en plus de mal à vendre des disques et à le faire connaître, et c’est dommage. Ça va très vite, les disques se vendent peu, c’est comme les films qui sortent en salles et qui se retrouvent en ligne rapidement. Alors il faut tourner, tourner pour faire connaître l’album mais on a pas encore trouvé de… c’est même pas une question que ça se vende ou que ça soit gratuit, mais une façon de faire découvrir le travail de l’album, parce que c’est pas le même de celui d’un concert où il y a une énergie plus brute. On fait un album dans un format de dix chansons qui se raconte comme une histoire, mais en téléchargeant les gens vont écouter une chanson par-ci, une chanson par-là et même si le cd est dématérialisé, j’aime bien l’idée qu’il y ait dix morceaux ensemble.

Justement avec ces difficultés de l’industrie du disque, la fin de Makasound, ça n’a pas été trop dur ?

- Ben ça a été un peu triste, parce qu’on a tenu, bon je dis on c’est pas moi qui l’ai monté mais j’avais l’impression de faire partie de l’aventure, et ça a duré longtemps, et là ils ont pas tenu. Chaque année il y avait un disque qui sauvait la mise mais c’était toujours un peu difficile. Ils ont dû mettre la clé sous la porte mais ils ont remonté un label chez Wagram et j’ai signé avec eux pour faire ce disque ; donc ils peuvent continuer à faire de la musique, et c’est bien.

Comme tu disais pour Peau rouge les musiques sont plus travaillées, tu as pris plus de temps, alors que Radio Cortex présentait des côtés plus potaches ; ton esprit trublion s’est-il calmé ?

- Potache il y a un côté un peu péjoratif ! Je pense qu’on peut faire des trucs drôles avec du trash derrière, comme quand je m’habillais en canard chez Disney et qu’il tue tout le monde ! D’ailleurs l’année d’après il y a eu des suicides chez Disney, c’était prémonitoire !

T’as lancé une vague là !

- Non mais vraiment j’aime bien le côté… justement là derrière toi, il y a l’affiche de Didier Super, j’aime bien cet humour-là. Radio Cortex c’était un mélange de sketches et de musique, mais ça a un temps ; avec dix ans de Java au bout d’un moment je pouvais plus entendre le son d’un accordéon ! On s’enferme dans quelque chose, et il faut sortir de ça. Je pense que si on fait de la musique, des spectacles, on doit pouvoir tout faire. Le problème c’est qu’en France faire un morceau drôle et un morceau tragique sur le même disque, ça passe pas vraiment quand c’est pas étiquetable.

Oui c’est vrai qu’avec Java il y avait déjà cette alternance.

- Là il n’y a plus de sketches, c’est un concert plus posé, plus musical, et il y a toujours quelqu’un pour gueuler « ouais c’est pas d’la menthe à l’eau » ! Une fois que t’as fait les choses parfois ça reste marqué ! C’est bien, ça veut dire qu’à l’époque ça leur a plu. Mais il faut pouvoir changer, ce qui est difficile, alors que le plus intéressant c’est de se renouveler. Même si au fond comme un peintre qui peaufine sa toile, on travaille les mêmes sujets. Quand tu fais un disque c’est toujours un peu le même, mais toujours différent… euh… je sais pas si ça devient très clair là !

« C’est pas parce qu’on doit écouter le texte que d’un coup la musique doit être un peu chiante ! »

Si si c’est clair ! Du coup t’as pas l’impression que la chanson française aujourd’hui prend moins de risques par rapport à ce renouvellement ?

- Ben non il y a de tout ! Après pour moi le rap c’est de la chanson française ; à partir du moment où on chante en français sur de la musique c’est de la chanson française ! Ce que t’appelles chanson française, les mots prennent toujours une autre définition ; je pense que d’être trop respectueux de l’ancienne chanson française à textes est son écueil. Et surtout de penser que le texte est plus important que la musique, ça c’est une connerie, c’est un alchimie qui doit se faire. On doit pouvoir le surmonter aujourd’hui, avec toutes les influences qu’on a dans notre culture, on a la chance d’avoir eu beaucoup d’immigration, et les musiques africaines ou la culture américaine sont assimilées, j’ai grandi en écoutant du rap avant de découvrir la chanson à textes ! Pour moi, en tout cas mon éternel problème, c’est une langue riche, mais qui manque de rythme, et j’essaie toujours de travailler à partir de la musique. C’est pas parce qu’on doit écouter le texte que d’un coup la musique doit être un peu chiante ! Une chanson, il faut y venir par la musique et qu’on y reste pour le texte.


Pour la pochette de Peau rouge, j’ai lu dans une interview le rapport symbolique entre le rhinocéros et la référence à Ionesco, puis il y a l’ironique « CRS mélomane » ; est-ce que tout ça aurait un rapport avec le climat ambiant ?

- Ben oui c’est un rhinocéros, ça s’appelle Peau rouge. C’est une référence à Jean-Luc Mélenchon, il fonce dans le tas ! (éclats de rire) Non en fait il n’y a jamais de références à l’actualité ; c’est un autre écueil ça, de trop coller à l’actualité, on est pas des journalistes et il faut toujours avoir du recul, l’actualité elle reviendra forcément après ; par exemple le titre « Papier d’Arménie » j’avais pas pensé qu’il voterait une loi après ! Pour l’écriture au départ je pensais juste au papier d’Arménie que je brûle chez moi.

Ça peut quand même être une source d’inspiration ?

- Oui mais par exemple quand je lis le journal j’essaie de m’informer, mais aujourd’hui on est sur-informés, il y en a trop et mal ; alors oui c’est de la matière, mais si à côté on ne lit pas de livres ou autres… parfois il faut faire des cures de désinformation pour retrouver la maîtrise de son temps. Il faut être réactif oui, mais c’est pas forcément comme ça qu’on écrit de bonnes chansons.

Là tu viens pour le festival Mythos, c’est la première fois que tu y viens en tant qu’artiste ?

- C’est la première fois que j’y viens tout court ! J’en avais jamais entendu parler.

Ça concerne les arts de la parole, c’est plutôt flatteur ! Pour l’instant tu en as de bonnes impressions ?

- On a été bien reçus, et c’est agréable on va jouer dans un théâtre, ça nous change un peu du circuit rock habituel. Comme j’expliquais, c’est un set un peu plus posé par rapport à ce que je faisais avec Java.

Et Java l’aventure est bel et bien terminée ?

- Pour le moment c’est fini, mais on n’a pas fermé la porte. Peut-être qu’un jour on se sentira de refaire un disque mais pour le moment c’est pas d’actualité.

Une dernière petite question : ton dernier coup de cœur musical c’est quoi ?

- Il y a quatre jours on a joué à Roubaix dans le Nord de la France, et il y avait un rappeur qui faisait la première partie qui s’appelle Veence Hanao et c’est un rappeur belge, qui fait partie d’une nouvelle génération qui arrive avec des sons un peu dubstep comme Roots Manuva ; c’est assez glauque et lourd mais c’est rare de trouver quelqu’un qui écrit aussi bien, alors il faut en parler !

Merci à R.Wan et son équipe pour leur accueil ainsi qu’à l’équipe du festival Mythos et du Diapason.
Retrouvez des photos et l’article du concert par ici. Le site de Veence Hanao c’est par là.

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