Yves Saint Laurent, un biopic qui survole les époques, et dont le héros (1-8-1936, Oran, Algérie – 1-6-2008, Paris) meurt à la fin…
La mode est loin d’être ma première préoccupation. A fortiori la haute-couture. Même si les top-modèles, les toilettes somptueuses ou délirantes qui envahissent les podiums des grands couturiers lors des défilés à intervalles réguliers, c’est-à-dire au rythme des collections qui suivent (voire précèdent) celui des saisons, sont loin de me laisser de marbre. Car tout ce qui touche à la splendeur, ou à l’audace, m’émeut. Naturellement.
Mais, sans l’avis très favorable d’une amie aux goûts sûrs, je serais passé à côté de ce biopic, et ce, d’autant plus aisément que le biopic n’est pas non plus mon genre préféré.
Or là, en l’occurrence, il y a un supplément d’âme, un je-ne-sais-quoi, un souci d’authenticité, un truc impalpable, une intention, un exotisme aussi, qui font de cette fresque une réussite. Primo, les acteurs sont émouvants : Pierre Bergé (Guillaume Gallienne, qui a dû travailler dur pour acquérir ce regard implacable qu’on lui voit au début du film) est très réussi en mécène bienveillant, esthète ultra-mondain, homme d’affaires féroce, gestionnaire précis et protecteur infatigable éperdument entiché du jeune Yves Mathieu-Saint-Laurent (Pierre Niney) qui, fraîchement débarqué d’Oran, conquiert Paris. Dès 1957, à 21 ans, il devient directeur artistique de la maison Christian Dior. Ce faisant, Yves Saint Laurent (ci-contre en personne et en smoking blanc) s’éloigne durablement de la guerre civile qui commençait très sérieusement à sourdre en terre d’Algérie.
Non seulement les lumières du Maghreb l’auront vu naître et longuement inspiré, mais avec Pierre Bergé, Yves Saint Laurent s’installera à Marrakech. Tous deux, ils y séjourneront régulièrement et rachèteront la splendide villa, ci-dessus, qui appartenait au peintre français Jacques Majorelle et qui menaçait d’être transformée en complexe hôtelier.
Secundo, on suit les hauts et les bas d’un artiste né dans la soie qui connaît très tôt la gloire professionnelle, mais qui subit aussi des problèmes de santé mentale (il sera diagnostiqué maniaco-dépressif). Alors, il vacille sous des addictions diverses et connaîtra donc des périodes vaguement désenchantées. Précisons aussi que pendant les premières trente-six années de sa vie, l’homosexualité était encore considérée comme un délit en France, ce qui ne simplifiait pas les choses. Les excès de drogues, d’ambitions, d’alcools, de travail, de fêtes, de débauches, de stress, de pression médiatique atteindront bien sûr le créateur de mode. Le succès a ses revers, paraît-il.
Mais bon, c’est si banal, finalement, tous ces déboires et ces moments de grâce, qu’on s’y retrouve. Ou qu’on se plaît à s’y voir. Tout du long, on est sous le charme de cet être fragile exceptionnellement doué, qui va produire sans relâche, s’endurcir, se renouveler chaque année, bosser pour le théâtre, le cinéma, flairer les tendances, les imposer, et rendre hommage sa vie durant aux élégances de la Femme sublimée par les toilettes qui sortiront de son imagination appliquée et des ateliers où travaillent ses ouvrières ; du début à la fin, on est en parfaite empathie avec ces personnages aux destins fulgurants, tantôt admirablement brillants, tantôt lamentablement décadents, toujours vivants.
[box type= »shadow »]Yves Saint Laurent, biopic de Jalil Lespert – Avec Pierre Niney, Guillaume Gallienne (de la Comédie-Française), Laura Smet – Durée : 1h46 [/box]







