Jury à la End of The Weak de Rennes du 17 janvier mais surtout producteur de l’album Voir la lune, Pepso Stavinsky est un mc qui poursuit sa route dans l’univers du rap français. Rencontre avec celui qui se décrit « meilleur rappeur sur la lune ».
■ Pepso, tu participais en tant que jury à la End of the weak à Rennes; comment ça s’est fait et quelle expérience tu en retires ?
Je suis les End Of The Weak depuis un petit bout de temps déjà, j’ai gagné mon premier en 2007 à Nantes. Si je compte j’ai du en faire 6 ou 7 depuis, en compétition et en exhibition. Je suis complètement fan de ce concept. Du coup, on est quelques mcs à graviter autour du EOW. Ça m’a permis de voyager, ou de faire des show case comme ce soir. D’où la raison de ma présence dans le jury. Je connais bien le concept et les épreuves. Être jury est un exercice super difficile, car tout va très vite. Tu dois d’abord choisir 6 mcs sur une trentaine à l’issue d’un open mic de qualifications. Puis après tu enchaînes les épreuves, que tu notes par un système de point. C’est une bonne expérience, car tu dois rester toujours concentré et faire des choix dans un laps de temps très court, un peu comme si tu étais challenger en fait.
■ Ton premier album Voir la lune a été plutôt bien accueilli par la critique; mais sur scène, quelle est la réception d’un public qui ne te connait pas ?
Globalement je te dirais plutôt bien, mais ça dépend des fois. Quand tu cherches à développer une identité qui t’est propre et à te différencier de ce qui se fait même en indé, ça passe ou ça casse. Tu ne peux pas plaire à tout le monde, mais quand ça plaît, ça marche vraiment. Et c’est ce que je recherche, quitte à devoir affronter quelques tolés parfois. Je garde de très bons souvenirs des concerts que j’ai pu faire avec Voir La Lune. J’ai entendu des personnes chanter mes lyrics, lors du dernier show case à La Bellevilloise à l’occasion du EOW Ouest vs Paris. Et ça pour un outsider provincial ça n’a pas de prix. Après ça dépend de plein de choses, pas forcément de la musique en elle même. Je me rappelle d’une scène en juillet, où je n’étais vraiment pas bien dans ma tête, et ça c’est ressenti sur scène, j’étais ailleurs, je n’ai pas réussi à échanger au max.
■ Tu sors aujourd’hui un nouveau projet intitulé Météorites; c’est quoi ton problème avec la galaxie ?
J’essaye de développer mon identité comme je te le disais avant. Ça part de quelque chose qui date du bac à sable, cette lenteur et cette nonchalance qui m’accompagnent partout où je vais. J’ai toujours eu la tête dans la lune. Ça m’a pas mal porté préjudice lorsque j’étais jeune, et puis j’ai réussi à en faire une arme, à maitriser ce trait de caractère. Si je fait autant référence à des univers galactiques, c’est que je cherche à raconter mes voyages dans ma tête, à travers mes absences avec le monde réel. C’est un concept qui m’appartient, et on le retrouve partout dans ma musique, dans l’écriture, le flow, et les instrus sur lesquelles je pose. Tous ces éléments qui font mon rap correspondent à ma personnalité. Je pense que ça va m’accompagner pendant encore un bon bout de temps.
■ Ce nouveau projet, tu peux nous en dire plus ?
C’est une sorte de projet transitoire. Il contient 3 remixes et 3 titres inédits. Je pense que globalement il est plus sombre et encore plus personnel que Voir La Lune. Je sors d’une période un peu bizarre, où j’ai enchainé pas mal de projets différents, porté plusieurs casquettes, connu des changements dans ma vie personnelle, sans vraiment avoir le temps de réfléchir à tout ce qu’il se passait ni de sortir la tête de l’eau. Je crois que j’avais pas mal de choses en tête, et j’avais besoin de les faire ressortir. C’est un peu ça les ‘Météorites dans la tête’, des phénomènes enfouis qui demandent à s’extérioriser de façon très éphémères, pour pouvoir faire le vide. Et comme je voulais toujours aller plus loin dans la démarche personnelle, extérioriser au maximum et partager vraiment ce que je ressens avec les personnes qui m’écoutent, j’ai accompagné le maxi d’un livret digital. Il contient les textes de chaque morceau, des illustrations, et quelques témoignages perso, afin de raconter leurs histoires respectives, leurs conditions d’écriture. Je voulais offrir autre chose que des mp3 sur Youtube.
« J’essaye de redonner une dimension rêveuse qu’on retrouve peu dans le rap(..) »
■ Quel est ton rapport à l’écriture, tes sources d’inspirations, les conditions de production de tes textes ?
Je ne me donne pas vraiment de thème, de cadre. J’aime cette phrase de Serge Gainsbourg qui dit que c’est le mot qui amène l’idée. Comme je suis sur une écriture personnelle, j’aime partir de choses que j’ai ressenti à des moments précis. Je crois que je suis pas mal attaché à la poésie dans l’écriture. Même si ça ne veut pas dire grand chose, j’essaye de trouver des mots qui me sont propres, et qui évoquent une certaine forme de rêverie ésotérique. J’essaye de construire un personnage qui se base sur ma vie, et sur celles que je rencontre et qui me touchent. Mais je fais en sorte que ce personnage ne connaisse pas vraiment de limites, je veux le faire voyager dans des mondes qu’il ne connaît pas. J’essaye de redonner une dimension rêveuse qu’on retrouve peu dans le rap, et qui est pourtant présente dans pleins d’autres formes d’expression.
■ Tu peux nous citer une de tes punchlines favorites chez d’autres emcees ?
En tête j’en ai une de Ahmad que j’ai retenu sur son dernier son « Nouveau Sinatra ». « Je vise dans le mille quand je pisse dans le vide. » Parce que là aussi il repousse les limites du monde réel. Il se fout des codes.
■ La End of The Weak à Rennes c’était une première; il y a un super terreau rap à Rennes, mais à part le Festiv’ll, quelques bars et les anciens Check da Vibe, la scène locale rap a du mal à se produire ici; comment tu expliques ça ?
Je suis pas vraiment d’accord, à Rennes, il y a un niveau rap super fort et diversifié, il y a un public, quelques gens qui se bougent pour faire avancer les choses, et quelques structures prêtes à accueillir des concerts et des soirées. J’enregistre d’ailleurs tous mes sons à Rennes chez Koolkal comme pas mal de mcs. Je me sens bien ici, autant au niveau de la musique que de l’humain. Même si je ne pourrais pas y vivre je crois que je ferais beaucoup trop la teuf (rire). Pour revenir à ta question je viens d’Angers je sais de quoi je parle. Là bas il y a plein de MCs qui déchirent, et qui sont complètement différents les uns des autres, mais c’est dur pour eux de se faire entendre. Car il n’y a pas vraiment de salle, et ce n’est pas la culture locale, alors que le public serait demandeur j’en suis sûr. Je pense que c’est comme pour tout, il existe toujours mieux ou pire ailleurs.
■ Ton dernier coup de cœur en rap fr ? en rap us ?
En rap français, je trouve que Grems est ultra chaud depuis des années. Et en Us j’ai vraiment bien accroché sur Bishop Nerhu dernièrement.