Dans le cadre du festival Waterproof, la chorégraphe Marine Chesnais présentait sa dernière création, Cherry Collapse au Triangle. Où il est question d’effondrements, du forum de Davos, et d’un noyau de cerise.
« Papa, à l’école ils disent que c’est bientôt la fin. »
La lumière s’éteint. Quelques mots prononcés dans le noir. Une voix part du public. Un enfant s’interroge, puis part dans une description. Le monde est calciné, ne restent que des cendres flottantes. Nous sommes dans un extrait de La Route de Cormac McCarthy. Un décor apocalyptique, et une canette qui se décapsule, un canette de Cherry Coke qui sera le fil rouge du spectacle. Voilà pour l’ambiance, que Marine Chesnais aime casser. Et c’est sans transition que la chorégraphe, jouant sur scène en compagnie de Christophe Paou et du musicien François Joncour, nous embarque directement au cœur du forum de Davos. S’ensuivent une galerie de personnages, aux surnoms sans équivoque. On reconnaîtra donc un astrophysicien qui nous rappelle qu’en 2030, l’OCDE prévoit qu’une personne sur deux n’aura sûrement pas accès à l’eau et que nous avons déjà largement cramé les fameux 1,5 °C à ne pas dépasser d’ici 2050. « Prenez donc une canette à la place » semblent nous suggérer les allumés de la géo-ingénierie ou ceux qui aiment à conquérir l’espace à la Jeff Bezos. Des parodies qui viennent servir les interrogations portées par la chorégraphe qui a fondé la compagnie One breath en 2017 pour interpeller sur la destruction du vivant. Avec Cherry Collapse, il s’agit « de questionner les émotions qui traversent le corps face aux effondrements », tenter de comprendre « pourquoi nous continuons de nous couper l’herbe sous le pied » précise la chorégraphe ; un travail pour lequel Marine Chesnais a parcouru les travaux de Pablo Servigne sur la collapsologie, ou encore travaillé avec le biologiste Gauthier Chapelle sur les questions du biomimétisme. Une nature qui pourrait nous apporter des solutions, et une nature que nous détruisons, dont une liste d’animaux symbolisés sur scène par des peluches nous rappelant leur extinction.
Cherry Collapse propose plus de texte entre humour cynique et urgence environnementale que de réelle chorégraphie dansée, à l’exception de quelques passages solos, à la technique remarquable, qui tente d’illustrer plusieurs postures d’effondrements. Le hic, c’est qu’on finit à terre, et que peu de choses y sont maîtrisables ; Cherry Collapse, à la manière des bulles de coca, symbole capitaliste fort, picote, s’emballe, déborde, et nous propose le goût de la cerise printanière à travers le rire. La question qui nous reste : comment avaler le noyau une fois au bord du précipice ?
Cherry Collapse – Conception, chorégraphie : Marine Chesnais – Création musicale : François Joncour – Interprétation : Marine Chesnais et Christophe Paou – Durée : 1h10 – Première représentation donnée au Triangle le 22 janvier 2025 dans le cadre du festival Waterproof.
« Je veux que tu boives tout.
Prends-en un peu.
Il prit la canette et but une gorgée et rendit la canette au petit. Bois tout, dit-il. Restons ici un moment.
C’est parce que j’en aurais jamais d’autre à boire, hein ?
C’est long jamais. »