Âmes sensibles s’abstenir : avec La Vie est une fête, les Chiens de Navarre bousculent tout et renversent le décor d’un hôpital psychiatrique.

Le thème est risqué et la marque de fabrique des Chiens de Navarre déjà connue : du théâtre explosif, au rire acide avec une dose de tarte à la crème empoisonnée. Des fléchettes souvent improvisées qui brodent entre caricature, grotesque et une bonne dose de dérapages (plus ou moins contrôlés). Le spectacle commence alors que les rideaux sont encore fermés et que le public s’installe; la troupe, fondée par Jean-Christophe Meurisse en 2005, parodie avec joie l’Assemblée Nationale devant débattre de la retraite à 72 ans. Toute ressemblance avec la réalité s’avère être une non-coïncidence, encore moins un hasard, car ce qu’aiment gratter (à vif) les Chiens de Navarre, c’est la société dans laquelle nous évoluons.

Puis, le rideau s’ouvre, un élu d’extrême droite est fraîchement débarqué dans un hôpital psychiatrique. Rapidement, les médecins sont tout autant mis à mal que les patients (dont certains n’hésitent pas à tenter de voler des écharpes au public assez rapidement secoué dans son fauteuil). Commence alors une série de saynètes plus ou moins courtes, ici c’est un politicien en visite sous les feux des médias, une entreprise qui veut repulmonariser grâce au bench compost start up et pousser les boomers vers la sortie, une femme de 45 ans qui se fait littéralement tronçonner lors d’une consultation gynécologique. Oubliez la finesse, et parfois, plus c’est gros plus ça passe. Ou ça casse. Derrière les rires, des thèmes grinçants qui font mal aux dents, et qui dansent sur la corde raide : et si la folie, c’était la société toute entière ? Et quel impact sur l’individu ? La mention de Dagerman n’est pas là pour rien.

Ça fume au sens propre comme au figuré pendant une manifestation qui jette des pavés en mousse

Quelques bonnes trouvailles de mises en scènes, des dialogues souvent corrosifs, parfois plus sensibles comme les deux patients au pied de la foutue machine à canette qui s’obstine à rester en panne (ou au mieux, délivre un… poireau), La Vie est une fête fait souvent mouche mais s’avère, à la longue, quelque peu prévisible dans ses mécanismes. Le retournement reste en tous cas carnavalesque, et si le but est de renverser le public autant que le décor, la mission est réussie.

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