À l’occasion d’un concert de Rocé et d’une conférence organisée par les TransMusicales le dimanche 21 mai au théâtre du Vieux Saint-Étienne, nous revenons sur la compilation Par les damné·es de la terre parue en 2018.
Les Damnés de la terre, c’est tout d’abord le nom d’un livre, le dernier écrit par Frantz Fanon*, publié en 1961 ; on vous épargne la fiche de lecture mais pour résumer il s’agit d’un manifeste de lutte contre le colonialisme, alors que la France est encore plongée dans son occupation de l’Algérie. Par les damné·es de la terre, c’est un disque de 24 titres compilés par le rappeur Rocé qui sort en 2018. Une publication accompagnée d’un livret de 40 pages, à la fois sur les luttes qui ont été menées durant l’histoire mais aussi sur les artistes présents sur le CD. Une remise en lumière de chants de lutte à l’international, et un travail qui prolonge la question de la transmission, chère à Rocé. Sorte de manuel musical permettant d’aborder l’histoire sous un autre angle, celui des colonisé·es et/ou issu·es des diasporas, on y croise, par exemple, Slimane Azem & Nourredine Meziane, chanteurs algériens qui publient en 1979 « La Carte de résidence ».
On y croise aussi la chanteuse Colette Magny (éditée à l’époque par Le Chant du monde, label discographique français créé en 1938 par Léon Moussinac qui deviendra ensuite Harmonia mundi ; à ce sujet lire la bande dessinée Colette Magny de Yann Madé paru chez Jarjille, 2022), le Gabonais Pierre Akendengue qui nous parle du trottoir d’en face, des extraits du discours de Vo Nguyen Giap au Vietnam en 1976, le texte fort de Dane Belany « Complexium – After Aimé Césaire » sur les textes du poète (« Mon nom : Offensé. Mon prénom : Humilié. Mon état : révolté. Mon âge : l’âge de pierre ») ou encore « On les aime bien » du Camerounais Francis Bebey qui brosse une satire (musicalement joyeuse sur fond de claviers électroniques datés) de la figure des touristes en posture de colons. Par les damné·es de la terre navigue donc parmi les textes de cell·eux qu’on n’entendait (et qu’on n’entend toujours) pas assez sur une période qui court de 1966 à 1988. Faire revivre la parole des anciens, pour éclairer aujourd’hui ; un travail pour lequel Rocé a travaillé avec deux historiens, Naïma Yahi et Amzat Boukari-Yabara. Ce dernier donnera une conférence en amont du concert de Rocé.
* « La France a des problèmes de mémoire. Elle connaît Malcolm X mais pas Frantz Fanon », Rocé, Problèmes de mémoire, Identité en crescendo, 2006.
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