Tandis que la France bat le pavé, parfois munie d’un gilet jaune, certains tracent sur le papier ce qu’ils en voient. Loïc Sécheresse et Cyril Pedrosa sortent ce mois-ci Carnets de manifs, portraits d’une France en marche, ou comment tenter de dessiner le bruit des bottes.
C’est une captation artistique, un recueil qui associe deux dessinateurs aux styles différents mais qui regroupent ici des travaux devenant témoignage. De mai 2019 à juillet 2020, Loïc Sécheresse et Cyril Pedrosa se mêlent à différents mouvements (gilets jaunes, climat, réforme des retraites, féminisme, Black live matters…) ; ils en notent des slogans, échangent avec les militants, saisissent ce qu’ils voient, tentent de représenter les mouvements de foules ou des individus. C’est bien sûr un aspect « sur le vif » qui domine, et qui tente de rendre compte de ce qu’ils perçoivent dans les cortèges. Les dessins, réalisés en marchant et présentés chronologiquement, sont ponctués par des phrases du gouvernement ou certains événements marquants, parfois plus confidentiels comme le procès des décrocheurs.
Voulant « se faire écho », tenter de comprendre, ayant de la sympathie pour ces mouvements, ils font aujourd’hui partie des signataires du boycott du festival d’Angoulême, la situation des artistes auteurs* étant toujours aussi catastrophique. Si les dessinateurs s’interrogent sur la portée politique du livre et de l’activité de dessinateur, Carnets de manifs est une humble description de l’époque, tracée au crayon et à la plume** sur plus de 200 pages. Un livre garanti sans effet lacrymo à sa lecture.
* Voir dans ce sens les questions autour du rapport Racine, et les informations relayées par des mouvements comme #Payetonauteur
** Alors que les manifestations se poursuivent contre la loi sécurité globale, le dessin de manif est-il plus toléré que le travail des photographes ?