En Gascogne, Roman et Matèu Baudoin. En Bretagne, Lors Landat et Roland Conq. A l’initiative de ce dernier, le projet Feiz Noz Moc’h voit le jour. Un mélange inattendu pour un disque puissant, à la croisée d’une ria et d’un gave nourris de musique.
Inutile de faire de l’ethnomusicologie de ces régions, pour vous présenter un historique de la musique occitane, ou du kan ha diskan. Il est peut être essentiel par contre de rappeler l’importance de la langue dans le parcours des musiciens; les frères Baudoin avec le groupe Familha Artùs, qui travaille en béarnais, et Lors Landat avec différents projets dont son excellent duo avec l’accordéoniste Thomas Moisson. Des langues qui vont ici se marier sur des thèmes musicaux renouvelés, mais qui n’oublient pas un point commun essentiel : la danse. Un mouvement qui va parfois s’envoler jusqu’à la transe comme sur « Liamm ha lamm ». De la force du motif répété dans les musiques traditionnelles, et qui sont ici savamment agrémentés de contrepoints, de jeux de questions/réponses. Et surtout les envolées vocales se superposent à merveille sur la vielle à roue.
« Nous sommes le produit d’un sol non tempéré. »
Au caractère non tempéré, le sol des musiciens s’avère donc imprévisible, radical et sans enrobage. Loin de toute démarche à la sauce world music, les noms des artistes ne sont pas cités dans le disque au graphisme soigné et signé Pèir Lavit, nous invitant plutôt en premier lieu à une fête des morts mexicaine. Le titre pouvait mettre la puce à l’oreille en jouant sur « Fest noz » (feiz noz moc’h littéralement foi nuit cochon), et la reprise de thématiques comme la désillusion de la venue à Paris avec « Distro Korentina »; mais plus surprenant, l’utilisation de textes actuels et non la répétition de morceaux traditionnels : c’est le cas de « difenn ar brezhoneg » qui parle de l’opposition de l’état français sur la défense des langues.
Loin des conventions, les quatre artistes vous invitent donc à une ridée sur un pont de Toulouse, avec une tension électrique en toile de fond, ou à vous perdre dans la nuit des Pastors. Le temps d’un disque, les langues et les instruments se mêlent, les racines des terres bretonnes et gasconnes se mariant dans ce voyage impressionnant de force.
Feiz Noz Moc’h – Un disque de 9 titres paru le 7 novembre 2012 chez Pagans
Roland Conq : gitar – Lors Landat : kan – Matèu Baudoin : votz, flabuta, tamborin, vriulon, percussions – Roman Baudoin : sonsaina