Mercredi 21 février, le théâtre de La Paillette accueillait le spectacle Michelle, doit-on t’en vouloir d’avoir fait un selfie à Auschwitz ? en séance scolaire le matin, puis tout public le soir. Une pièce au titre inattendu, pour une actrice et un marionnettiste de la compagnie brestoise Les Yeux Creux, sur un texte de Sylvain Levey.
La pièce s’inspire directement d’un fait remontant à 2014 : une adolescente américaine Breanna Mitchell se prend en selfie devant les camps de la mort, déclenchant par la suite des remous médiatiques et un déferlement sur les réseaux sociaux qui iront jusqu’à lui conseiller de mettre fin à ses jours.
Le fil du spectacle suit donc Michelle, qui part en voyage scolaire en Pologne, avec ses camarades de classe et professeurs. Michelle, une adolescente qui kiffe son sweat rose, et qui comme ceux de sa génération a le portable à la main du matin au soir : Michelle dans la salle de bains, le copain qui mange des chips dans le bus, les like, les retweet, les baskets. Les réseaux sociaux prennent à eux-mêmes une place à part entière, notamment par le biais d’autres marionnettes qui mettent les adolescents sous leur avatar virtuel pour illustrer ce qui se passe sur lesdits réseaux. Une alternance permanente donc entre la réalité et les écrans qui scintillent, et où les photos prises se retrouvent accrochées en tableaux en fond de scène.
Puis arrive le moment fatidique du « Arbeit macht frei » après des kilomètres de trajet, où Michelle n’aura pas regardé le paysage parce que « c’est un truc de vieux et que personne dans le bus ne le fait ». Les adolescents se prennent l’Histoire et sa grande hache en pleine tête. Puis, le selfie. Puis, la déferlante de haine sur les réseaux sociaux. Puis Michelle, prise dans la tourmente et le jeu médiatique. Avant de reprendre pied grâce à l’amitié.
La pièce n’est pas là pour juger Michelle, que l’on finit par plaindre, victime du « selfie de trop ». Car Michelle, doit-on t’en vouloir d’avoir fait un selfie à Auschwitz ? porte fort heureusement un titre interrogatif et souligne bon nombre d’autres points : comment les adolescents sont-ils écoutés ? Comment s’intégrer au groupe à cet âge ? Quelle entente de la tristesse des enfants face à la violence de l’Holocauste ? Quel poids de l’histoire familiale sur les parcours* ? Quel jugement porté sur ceux qui utilisent, pour le meilleur et pour le pire, cette déferlante d’applications dans un monde virtuel quasi infini ? (et les professeurs n’y sont pas épargnés).
« Michelle ne pensait pas à mal » sera-t-il dit sur le temps de discussion de la matinée. « Oui Michelle, ça aurait pu être moi », « non, moi je ne l’aurais pas fait ». Le dialogue ouvre les questions; sans écran entre la scène et le public. Et avec ses 23 marionnettes, Antonin Lebrun, membre de la troupe, interroge notre propre rapport à la haine. #fin.
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*Le père de Breanna, qui l’aidait à étudier l’histoire, est mort un an jour pour jour avant le cliché. Le dernier sujet sur lequel ils avaient travaillé ensemble était l’Holocauste.
Michelle, doit-on t’en vouloir d’avoir fait un selfie à Auschwitz ? une pièce de Sylvain Levey mise en scène par Antonin Lebrun assisté de Juliette Belliard interprétée par Anaïs Cloarec et Antonin Lebrun – 1h – À partir de 13 ans.