À l’occasion de la ressortie nationale fin janvier de La Mort en direct (Death Watch) de Bertrand Tavernier, il paraissait intéressant de revenir sur ce film de 1980 considéré par certains comme l’un des meilleurs films du réalisateur.
Film d’anticipation, de science-fiction, difficile de trancher. Le film souleva à l’époque des questions d’éthique et de morale qui n’ont pas disparu aujourd’hui, loin de là. En effet, dans ce film situé à Glasgow dans une période indéfinie, Tavernier nous raconte l’histoire de Katherine Mortenhoe, une femme condamnée par la maladie, qui a été choisie à son insu pour être le personnage principal de l’émission de télévision « Death Watch » (« La Mort en direct »). Cette dernière décide de prendre la fuite face aux caméras qui veulent filmer son décès. Elle rencontre le sympathique Roddy joué par Harvey Keitel, qui travaille pour NTV et qui s’est fait greffer une caméra derrière l’ œil pour pouvoir filmer la fin de Katherine dans l’émission. Ce film est l’adaptation d’un roman de David Compton, il est réalisé en langue anglaise avec un casting international. En plus d’Harvey Keitel tout droit sorti des films de Martin Scorsese, on retrouve également dans le rôle du grand manitou de l’émission de télévision l’acteur Harry Dean Stanton qui sera quelques années plus tard le personnage amnésique du cultissime Paris Texas de Wim Wenders. Pour le rôle de Katherine, Jane Fonda était pressentie mais c’est finalement Romy Schneider qui l’avait remplacée pour camper ce rôle dramatique. Ce sera d’ailleurs un de ses derniers rôles, elle qui incarna si bien des figures de femmes françaises dans les films de Claude Sautet. L’interprétation de Romy a des accents déchirants et donne beaucoup à l’intensité du film et de son intrigue. Avec des acteurs d’une telle trempe, le niveau était donc déjà élevé. Et cette histoire assez passionnante pour captiver le spectateur et l’interroger sur les dérives d’une société, sur sa perte de valeurs, sur son goût du voyeurisme.
Nous sommes en 1980 et Tavernier met le doigt, avec La Mort en direct, sur les prémisses de ce que deviendra la télé-réalité. Film d’anticipation soit, mais sans décors futuristes ; à la place, une mise en scène puissante, efficace, qui multiplie les points de vues : à la fois subjectif quand la caméra greffée derrière l’œil de Roddy filme sa proie Katherine et un point de vue plus objectif quand nous sommes en présence des deux personnages réunis. Pour ce film, le réalisateur dit s’être inspiré du Voyeur de Michael Powell et de Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. Enfin, sans pour autant tout dévoiler de l’histoire, le film est doublé d’une histoire d’amour mise en musique par Antoine Duhamel, le compositeur fétiche de la Nouvelle Vague et notamment des 400 Coups de Truffaut. Autant d’ingrédients qui font de La Mort en direct une œuvre à redécouvrir et qui n’a rien perdu de son impact plus de trente ans après. C’est sûrement le film le plus à part dans la filmographie de Tavernier, alors au plus haut de son talent.
Death Watch (La mort en direct) – Un film réalisé par Bertrand Tavernier sorti le 11 janvier 1980, et ressorti en salles le 30 janvier 2013.
Avec Romy Schneider, Harvey Keitel, Harry Dean Stanton – Durée : 2h08