Jeudi 30 mars au Liberté, c’est un Étage plein à craquer qui a accueilli la venue du jeune pianiste arménien Tigran Hamasyan, venu présenter son dernier album solo An Ancient Observer. Un voyage musical tout en subtilité et en délicatesse.
Cela fait de nombreuses années que Tigran impressionne par la virtuosité avec laquelle il parvient à fondre ensemble création classique et contemporaine, accents rock et hip-hop, le tout traversé par un souffle venu des musiques traditionnelles de sa terre. Dans la continuité de Shadow Theater (2013) et Mockroot (2014), ce nouvel opus cette fois en solo confirme une fois de plus le génie poétique du jeune jazzman, avec à chaque morceau une fresque vibrante où se mêlent en tornade les émotions et les dérives.
La musique de Tigran entrelace avec délicatesse des thèmes d’inspiration traditionnelle avec des motifs complexes, mathématiques, et forme par petites touches de longues pièces mélodiques où tendresse et dureté dialoguent et contrastent. Ce tissage paradoxal trouble l’oreille, de subtiles nuances en variations rythmiques imprévisibles. Des paysages se forment et se brisent, vivants, tendus. Cette musique, ou cette incantation, plonge ses racines dans un lointain passé aux accents mélancoliques, et invoque la puissance de la terre et les voix des hommes qui traversent le temps – Tigran dédie un de ses morceaux à un poète égyptien, dont il a découvert les écrits, vieux de quatre millénaires, par hasard chez un bouquiniste.
Le pianiste, seul sur scène, s’accompagne au synthétiseur, à la voix et au beatbox, notamment lors d’une longue phase scat et piano saisissante, tenant le public en haleine. Patiences, insistances, envolées ; une transe poétique qui transporte dans des paysages d’émotions complexes, et qui fait écho en chacun, comme Tigran le rappelle: « Les titres de cet album sont des observations musicales du monde dans lequel nous vivons, et du poids de l’histoire que chacun de nous porte en lui. »
