Interview : Usé au conseil municipal

De passage au Bar’Hic dans le cadre du festival Bars en Trans,  Usé alias Nicolas Belvalette a bien voulu nous rencontrer. Pour parler Born Bad Records, élections et canidés.

 

■ Bonjour Nico, tu es de passage aux Bars en Trans suite à la sortie de ton album Chiens de la Casse en avril dernier chez Born Bad Records. On a déjà pu te croiser au sein d’un certain nombre de projets : Headwar, Les morts vont bien, Hache Tendre…

Ah, t’as écouté Hache Tendre ? Ça fait 5 ans qu’on a enregistré le deuxième album, et là on bataille pour sortir le disque juste pour une histoire de pochette ! On s’est pas encore fixés… je pense que la sortie se fera dans à peu près 10 ans !

■ Est-ce que tu pourrais décrire en quelques mots le Nuke, ce style musical qui s’est développé au fil de tes projets ?

C’est quand même une blague entre groupes amiennois au départ… Nuke ça veut dire « nucléaire », c’est aussi la drogue dans Robocop, qu’on se met dans la jugulaire… Mais pour ce qui est du style musical, je dirais que c’est un mélange entre tribal-indus-électro-punk, avec de l’amour pour ce qui me concerne.

■ Ah, c’est quand même important l’amour !

Ouais !

■ Comment tu sens le passage du groupe au projet solo ?

Pour moi c’est pareil, au niveau de l’énergie. Après, c’est beaucoup plus long et difficile à mettre en place quand tu es en solo, moi j’ai mis 5 ans à monter ce projet, à trouver comment je voulais faire.

■ Quand on écoute ton album, on entend évidemment un élan sauvage, déchaîné, mais aussi et en particulier sur certains titres, quelque chose d’arithmétique, de rythmiquement précis. Quelle est la part de l’improvisation dans ta musique ?

Y’en a pas !

■ Donc tu sais précisément ce que tu fais ?

Oui, tout est composé, tout le temps, y’a pas d’impro. Je peux pas vraiment à vrai dire, tout est ultra calé, ça s’arrête pas.

■ Pourrais-tu décrire la sensation, le plaisir que te procure le fait de taper, de marteler, de violenter du matériel afin de produire du son ?

Bah, ça me fait un peu jouir, comme tout musicien je pense, je sais pas… J’ai toujours du mal à parler de ma musique en fait, quand tu joues, tu aimes ce que tu fais, c’est tout… ça me plaît !

« On a appelé tous les punks pour leur dire de ramener tous leurs chiens »

■ Tu as rassemblé une petite meute de canidés pour la couverture de l’album; on peut aussi entendre des samples d’aboiements de chiens sur le premier et le dernier titre… Est-ce que le chien a une valeur symbolique pour cet album ?

J’avais déjà fait l’album avec des sons de clébards, donc je voulais des chiens sur la pochette, ça me plaisait. J’ai eu l’idée mais c’est pas moi qui ai construit le truc. C’est une pote qui a pris la photo, elle me drive aussi souvent pour les tournées, et elle m’a beaucoup aidé aussi pour les élections municipales [Usé s'est présenté comme candidat aux municipales d'Amiens en 2014, NDLR]. Le lendemain d’une soirée, à 10h du matin, les punks étaient pas couchés, on s’est pointés avec tout le matos, les lumières, etc. On avait déjà le cadre, dans l’atelier de potes à Amiens. On a appelé tous les punks pour leur dire de ramener tous leurs chiens, donc ils sont là hors du cadre à leur crier « Pas bouger! » C’était assez marrant. On a aussi vécu pas mal de temps avec des clébards, moi j’ai pas de chien mais en fait y avait tellement de punks pendant un moment qu’on était un peu envahis pendant les concerts… Pour que ce soit cool, on a décidé de déguiser les chiens pour faire des défilés canins, pour que ce soit drôle et pas que ce soit chiant – tu vois, un chien déguisé avec une petite veste en laine rose…

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■ Ta race de chien préférée ?

J’en sais rien moi (rires)… t’as une race de chien préférée toi ? Ah si y’a des chiens qui ressemblent à des renards-là, qu’on voit souvent… les nouveaux chiens-là, ça doit être les Reebok ou les Nike…

■ Je vais quand même poser une question qui est sur toutes les lèvres : qu’en est-il du Parti sans cible ? Il s’agit du parti à la tête duquel tu t’es porté candidat pour les municipales de 2014 à Amiens, qui plébiscitait entre autres l’interdiction du robusta dans les bars, le déplacement des vignobles de Bordeaux à Amiens et la parité homme/singe. Que reste-t-il de ces belles idées ?

Bon, ben on a perdu ! Mais bon, c’est une bande de potes, tu t’organises, tu te présentes aux municipales, et puis tu perds mais tu peux faire une croix sur ta main, ça c’est fait ! C’était un truc que je voulais faire y’a un bout de temps, déjà pour l’Accueil Froid qui avait fermé. On a pu rouvrir deux ans après dans un autre lieu, toujours à Amiens, à 600 m de l’ancien lieu, c’est plus clean qu’avant, mieux organisé. Moi j’y suis plus trop, je suis tout le temps en tournée, mais c’est d’autres potes qui organisent plus, mais ça marche bien.

« Et en plus, ce mec ne vote pas ! »

■ Il paraît que François Ruffin compte se présenter aux législatives à Amiens pour s’opposer au FN…

Il veut se présenter « face au FN », c’est comme ça qu’il l’a annoncé. Et ça c’est classe quoi. Ce mec est cool, je vois très bien ce qu’il fait, avec le Fakir, tout ça – et genre c’est assez drôle « je me présente face au FN », le mec se présente devant eux pour les combattre.

Je pense que quand tu te présentes de cette manière, tu combats tout le monde en fait. Moi quand je me suis présenté aux municipales, et que je faisais les marchés et tout ça, on me disait que je « piquais des voix »… Le FN tu les vois pas, ils ont un programme pour toute la France (ce qui est complètement débile), ils ont pas besoin de faire campagne. Tandis que les autres partis ont leur programme, pour chaque ville, normal en fait, tu bosses pour ta ville. Mais les autres partis ont réussi à dire quand même que je leur piquais des voix. En plus moi je leurs disais « Mais vous inquiétez pas, moi en plus je vote pas », du coup en plein marché ils criaient à la ronde « Et en plus, ce mec ne vote pas ! » (rires). C’était absurde. Moi je vote même pas pour moi, et je vote pas pour eux, je vote pas tout court… Voter pour quoi en fait ? On t’impose des candidats, t’as pas envie de voter pour eux mais t’as juste le choix de voter pour eux… voilà pourquoi je vote pas.

Pour Ruffin, je ne sais pas comment il va amener le truc, mais bon il amène toujours les choses super bien, il est pas débile. Moi je sais pas si je vais le refaire, mais si je le refais, j’ai quelques idées…

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■ À l’approche des élections présidentielles, tu envisages de t’engager de nouveau politiquement ?

 Ça pourrait m’intéresser de faire ce genre de choses, forcément. Surtout quand tu l’as déjà fait une fois. Enfin nous on l’a fait en speed, tandis que là on pourrait prendre plus de temps à fignoler le truc, faire ça un peu mieux pour que ce soit encore plus drôle et plus poignant. C’est vrai que ça peut être classe, parce que là on l’a fait en deux-deux…

■ Oui, ça semblait être un engagement assez spontané…

Ah oui! Au début c’était presque une blague, je me suis pointé à la préfecture en pyjama à 8h du matin, et je leur ai dit : « Bonjour, je voudrais être maire ! », à l’accueil, comme ça, avec les gens qui demandent des papiers, leur permis de conduire… Du coup ils me répondent « Ah, vous voulez dire que vous voulez vous présenter aux élections municipales ? » et je leur dis « Ah putain c’est ça ! C’est ce truc-là que je cherchais ! » Donc ils m’ont ouvert les portes, ils m’ont fait monter et j’ai signé des papiers vite fait, en pyjama… et ils flippaient, ils pensaient que j’étais un clodo ! Après ils ont compris la démarche, et j’ai été hyper soutenu, par la préfecture et par toute l’organisation des élections.

■ Et puis par une partie des électeurs, puisque même si le siège de maire t’a échappé, tu as tout de même été élu personnalité préférée des Amiennois en 2014 !

Oui, c’est vrai ! Ça je l’ai appris quand j’étais en tournée en Italie, et j’avais eu une grosse merde : j’avais la vésicule biliaire qui partait en gangrène. Donc je me suis fait opérer, j’ai failli claquer…

■ Wow ! Tu es passé près de la mort plusieurs fois apparemment, entre ça et l’accident avec Les Morts vont bien [Nicolas s'est fait rouler dessus par une voiture en festival, alors qu'il dormait dans sa tente, d'où le nom du groupe formé avec la deuxième rescapée de l'accident, NDLR]…

Ouais, j’ai passé ma vie à l’hosto… et donc, il m’arrive ce truc-là, j’étais hospitalisé à Perugia et je reçois un mail genre « Vous êtes élu Amiennois de l’année »… Je suis rentré en catastrophe, en avion, et le lendemain, j’avais encore plein de pansements, des cicatrices sur tout le ventre, et y a une journaliste qui se pointe pour m’interviewer. J’étais là, ben vous voyez l’Amiennois de l’année qui a perdu dix kilos, j’étais tout gris… « Ça fait quoi d’être Amiennois de l’année ? » « Arg, ça va super bien ! (tousse) »

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Usé à Bars en Trans(e)

 

■ Où en sont tes projets avec tes autres groupes ?

Alors on a ce projet d’album avec Hache Tendre mais ça date ; on a un album qui se prépare avec Les Morts vont bien aussi, et avec Roberto Succo. On sort un live que je viens de finir de mixer et ça part au pressage ; c’est un live de Jessica 93, Noir Boy George et moi. On fait aussi un split avec une super pochette par Willy Ténia et Mattt Konture, c’est prévu pour l’année prochaine. Et avec Headwar, on a trois enregistrements qui devraient sortir aussi. En fait y’a plein de trucs en même temps, et qui sont en stand-by ! Ça met du temps parce qu’on a mille trucs à faire, mais ça se fait.


Le site de Born Bad Records


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