« Sitcom canin et post-colonial ». C’est le sous-titre donné par Marine Bachelot à La Place du chien, écrit en 2009, et présenté à la salle Guy Ropartz lors de la résidence du collectif Lumière d’Août. Un spectacle de fin de chantier, c’est à dire en plein travail, mais pas tout à fait terminé, que ce soit dans la scénographie ou l’apprentissage des textes. Attention, pièce mordante.
Sur scène, trois acteurs. Karine, caissière, qui vient de rencontrer un jeune immigré, Sylvain. Et dans l’appartement, un labrador noir, Sherkan. Celui-ci, malgré une occupation fréquente de la salle de bain, prend de la place aussi sur le lit et s’immisce dans les relations du couple. Un troisième rôle muet mais capital, source de symboles ou d’inversement des rôles, mais aussi d’humour visuel.
Parce qu’avec La Place du chien, même s’il s’agit de traiter de sujets difficiles et variés, le public rit souvent, du grotesque des situations, de certaines répliques ou de la démarche de l’animal. Les trois acteurs servent une mise en scène plutôt dynamique, un texte simple découpé en petites parties, le tout avec implication et talent.
« Tu es de quelle couleur à l’intérieur ? »
Marine Bachelot n’aime pas les stéréotypes, ni le manque d’émancipation féminine, encore moins le racisme, et elle le fait bien savoir grâce à différents procédés. Comme lorsque le pedigree du labrador est détaillé par le L.O.F, le Livre des Origines Françaises, véritable parallèle avec les descriptions raciales du début du XXème siècle. Ou encore lorsque celui-ci commence à dialoguer en inscrivant des phrases sur le miroir à l’attention de Sylvain, qui croit le chien maudit depuis le début. Mais surtout c’est grâce à des chansons de l’époque coloniale ainsi qu’un extrait du discours de Dakar prononcé par Nicolas Sarkozy en 2007 que la lumière se fait sur la revendication principale du spectacle; Sylvain finit par être enfermé dans un centre de rétention, Karine fuit son appartement, et c’est un monologue du labrador qui termine la pièce. Pour réveiller quelque part le chien qui est en nous mais qui doit être libre. Un peu comme Karine quittant son poste. Un peu comme Sylvain derrière les doubles grilles du centre de rétention. Un peu comme le chien qui finit par prendre la parole. Des inversions de rôles, pour ouvrir des brèches et pour souligner avec humour et mâchoires acérées l’absurdité de certaines places dans nos sociétés.
Le descriptif de La Place du chien
Le site de Lumière d’Août
La Place du Chien, une pièce écrite et mise en scène par Marine Bachelot – Avec Flora Diguet (Karine), Sylvain (Lamine Diarra) et Yoan Charles (Sherkan)