A night on Canopy est un label « somewhere on earth » indique leur site. Le hasard nous a fait découvrir qu’il est en Bretagne. Nous n’en dirons pas plus, et d’ailleurs on s’en moque. Ce qui nous intéresse, ce sont leurs productions. Sur vinyles.
À l’heure où le disque est mort, personne ne crie « vive le disque » mais on dit plutôt « vive le vinyle » à en croire l’étude qui a été faite cette année et qui ferait dépasser le million de ventes en Angleterre. Un regain d’intérêt pour la galette de cire qui s’explique sûrement par une bonne partie d’un retour aux objets vintage, certains labels retournant même à la cassette (reste encore à retrouver la machine pour la lire si vous l’aviez reléguée dans le grenier), mais également parce que le vinyle est le symbole de tout un mouvement qui en a rayé un certain nombre : le hip-hop. C’est donc sans surprise que A night on canopy gravite entre rap et électro. Un univers urbain bien assorti de visuels à la hauteur du contenu.
Darez and Chance – Overseas
Vannes-Brooklyn aller-retour c’est possible grâce à l’album Overseas qui relie deux rappeurs de part et d’autre de l’Atlantique. Pour la Bretagne, c’est Darez qui s’y colle, tandis que les parties, en anglais évidemment, sont signées Chance. Le tout sur des productions de Dj Kelda, Terem ou Ludz. Alors c’est bien joli ce rapport géographique, mais qu’en est-il des titres de l’album ? Le moins que l’on puisse dire c’est que les productions sont puissantes et léchées de bout en bout; rien ne dépasse, à part le grain du vinyle sous les scratches nombreux qui raviront les oreilles old school, et c’est une teinte moderne et pêchue qui est annoncée dès le début avec « Coast to coast ». Flow qui colle au rythme, explosions sonores, la majorité des titres sont quasi symphoniques comme « Overseas ». Le rythme cardiaque se reposera sur les chaloupés « Look at life » ou « Patiently ». Même si parfois la plume de Darez semble tourner sur elle-même côté thématique, cela n’entache en rien à son flow, ni à la qualité de l’opus qui contrairement au Titanic ne coule pas avant la ligne d’arrivée. Darez qui vient d’ailleurs de signer « Shoot ça », 1er titre d’un Ep en attendant l’album fin 2015. Pour le moment, il faudra profiter de la transat d’Overseas.
Kunga 219 – Tharpa’s Transcripts... A Time And A Place
Kunga 219, pour le nom on a uniquement trouvé un lien avec le Tibet, même si nous doutons fortement de la présence de rappeurs tibétains ou même de platines à Lhassa. Le titre « Tharpa » correspondrait a priori, selon nos recherches, au sanskrit signifiant « libération ». Ce qui ne nous avance guère sur l’interprétation que nous pourrions donner à ce projet canadien. Si ce n’est l’aspect lancinant, voire fascinant, tel un mantra, que peut avoir le spoken word. Car Kunga 219 installe principalement avec le son une atmosphère de méditation. Notes de sitar sur « Things of beauty », tablas sur « Aimless entrance » Kunga 219 magnifie le spoken word en le plaçant dans un écrin de soie indienne. Sorti en 2000 sur disque, A night on canopy ressort ce classique du rap d’Halifax, à découvrir, sauf si vous êtes déjà au courant de toutes les sorties canadiennes existantes. Erreur rattrapée, car Kunga 219 sait faire saliver. Attention, le vinyle n’est pas une matière qui se mange; dommage.
Monte Smith – The wargasm LP – Larry Davis politics
Monte Smith est un poète, journaliste, rappeur et activiste de Caroline du Nord. Ou l’illustration même de toutes les voix d’expression de la communauté afro-américaine par le biais du hip-hop depuis les années 70. Initiateur du collectif Third World Citizens, Monte Smith se positionne en poète urbain, véritable héritier de Gil Scott-Heron. Auteur de plusieurs ouvrages, le rappeur interroge les questions de pauvreté, de racisme, d’inégalité, de religion ou bien de brutalité policière. Au vu de l’actualité brûlante sur ce dernier point*, la question raciale étant loin d’être réglée,The Wargas LP s’affiche alors en opposant à la « machine de propagande » largement commentée sur « Enemy at home ». Côté thématique vous l’aurez compris Monte Smith se place plutôt du côté des militants conscients et engagés; côté son The Wargasm Lp offre des productions du génial Dj Vadim, la deuxième partie Larry Davis politics se déroule sur celles de Dj Soundmachine. L’ensemble ponctué de samples et de scratches qui font rêver. Et, bonne nouvelle, le projet est en téléchargement gratuit.
Sonic Sum – Films
Le groupe aurait pu s’appeler « Super sonic sum » car le décollage est immédiat. Les Films de Sonic Sum dessinent un univers entre hip-hop, guitares rock et éléments interstellaires. Parfois ça plane comme dans le featuring avec Mike Ladd, parfois ça fuse comme sur « Rocket », tantôt ça flirte avec le monde de l’étrange (« Negatives ») tantôt avec l’onirisme le plus total comme sur le final « Ordinary mower ». Nous ne savons absolument pas avec quel appareil photo Sonic Sum prend des clichés du monde, mais le voyage fusionnel des esthétiques transporte l’oreille entre flow précis et diversité de traitement du son. Des images apparaissent et repartent, une sorte de vol du futur que Léonard de Vinci n’aurait sûrement pas renié. Alors ne soyez pas comme les personnes au premier plan de la pochette : ouvrez vos oreilles, et laissez vous percuter par l’énergie de Moth qui n’est pas sans rappeler celle de Rage against the machine ou encore la détermination de Public Enemy.
Le label publie également des mixtapes que les aficionados du hip-hop américain apprécieront particulièrement. Vous êtes maintenant prêt à découvrir la canopée musicale que propose A Night on canopy. Et vous paniquez déjà, car vous n’avez pas, chez vous, de quoi faire tourner un malheureux 33 tours. Aucune excuse. Tous les albums sont écoutables en ligne sur le site du label.
*Émeutes à Ferguson // Un jeune garçon tué à Cleveland pour une arme en plastique
