Créé au théâtre de Quimper en 2024, Macbeth par la compagnie de l’Unijambiste prenait place au Théâtre national de Bretagne dans la programmation du festival Mythos. Des choix audacieux à partir du texte de Shakespeare, porté par le duo Arm-Marina Tchewsky, lumineux en plein cœur des ténèbres.
Une pièce marquée par le sang, les remords et le pouvoir : la compagnie l’Unijambiste portée par David Gauchard s’attaque ici à l’un des monuments littéraires, Macbeth de William Shakespeare, avec des partis pris osés qui rendent les épées aux mots, et qui affrontent, ou accompagnent surtout la nuit.

Marina Tchwesky en lady Macbeth et Arm en Macbeth, le couple commençant à avoir du sang jusqu’au coude – © Dan Ramën au théâtre de Cornouaille, Quimper
C'est quoi déjà la pièce ? Résumé express
C’est une mise en scène sobre qui porte le spectacle : un fond parfois rétro éclairé, quelques seaux servant à recueillir quelques flammes, de la fumée pour napper le plateau, des tenues noires, deux couronnes. Pas d’encombrement ni de surenchère. Les personnages de la pièce aussi sont comptés : une partie n’apparaîtra pas sur scène. Nul Fléance mais une voix off, nul trio de sorcières, en voix off également. La mise en scène coupe des passages, résumés par quelques phrases sur écran. Aucune scène de meurtre. David Gauchard laisse de côté, sciemment, une partie des éléments pour en accentuer d’autres. Et notamment le verbe, la poésie de Shakespeare, les scrupules (ou non) de l’être humain, les peurs et les rapports de dualité, intérieurs ou extérieurs.
« Les choses sans remède ne valent plus la réflexion : ce qui est fait est fait » Lady Macbeth, acte III, scène 2
Si aucun meurtre n’apparaît en plateau, que le sang n’y apparaît pas, il gratte le bras de Lady Macbeth. Plus le forfait est commis, plus la spirale du mensonge et du meurtre engloutit le couple, plus le sang envahit les bras du duo infernal. Plus la tragédie est évacuée car déjà inscrite dans l’histoire inéluctable, plus la force du texte surgit, parfois avec d’autres choix comme l’insertion d’un poème des Sonnets de Shakespeare, portés par Arm. Rappeur de son état, il en compose également ici la musique ; un écrin électronique qui porte les scènes, et notamment un soliloque qui frôle le titre slamé, qu’il serait possible de réécouter hors de tout propos théâtral. Et une grande partie de la réussite de ces pas de côté dans la mise en scène réside dans ce « jeu », ou plutôt cette incarnation, avec la mélodie et le mot, avec le rythme et le texte, comme Marina Tchewsky jouant du tambour en début et fin de pièce. Une pièce face aux folies meurtrières, où la nuit « débat avec l’aube » et où le public parfois, frissonne. Et la nuit se prolonge, le théâtre semble lui lancer un défi. La troupe réussit celui de donner à voir la poésie au cœur des ténèbres, et de donner, aussi, l’envie de relire Shakespeare.