Confidences à Allah, de Saphia Azzeddine

Confidences à Allah, de Saphia Azzeddine : l’histoire rocambolesque d’une jeune bergère qui deviendra à la fois une sainte et une putain.

 

533x800_Azzeddine« La misère ça pue du cul. Et le cul de Miloud, il n’a jamais connu l’eau. Il s’essuie avec des cailloux et se sèche avec du sable. » (page 11)

Jbara est née dans une famille nombreuse et misérable. Dans le désert. Elle s’occupe des chèvres. Et rêve d’ailleurs plus doux, d’aventures exotiques. Sa prière est exaucée lorsqu’elle tombe enceinte, suite à des rapports sexuels non protégés avec un berger des environs, Miloud, qui lui donne en contrepartie des yaourts à la grenadine Raïbi Jamila. L’apprenant, sans ménagement, sa brute épaisse de père la bannit illico de la tente familiale.

« Je voulais qu’il se passe quelque chose, mais pas ça. Ça c’est la mort, c’est ma mort. Si on n’est pas mariée, on est reniée.

Je suis à terre. Je reçois des coups dans le dos, d’autres dans les mollets. Machinalement, je protège mon ventre. Pourtant c’est lui qui m’a tuée.

— Tu nous déshonores, espèce de traînée, tu ne peux plus rester ici ! Va-t-en immédiatement petite pute, fille du diable, pécheresse !

Allah, je n’en demandais pas tant. » (page 29)

Jbara quitte alors, sans regrets, son village natal de Tafalfit (bled marocain imaginaire). Et pour la belle et pauvre Jbara s’enchaînent dès lors les péripéties, cocasses ou tragiques. Prostitution, exploitation, vie de bonne, prison et autres déboires ponctuent la destinée de la jeune femme qui s’émancipera petit à petit des carcans familiaux, des dogmes religieux, des préjugés absurdes et des superstitions grotesques qui aliènent tout un chacun. Tout au long de son parcours cabossé, tantôt trash, tantôt burlesque ou pitoyable, Jbara converse néanmoins avec Allah. En toute sincérité. Et ce sont bien sûr ces confidences, ce dialogue entre une créature en quête de liberté et de plénitude et les puissances transcendantes, qui font tout le sel de ce petit roman farouche qui, non sans profondeur, questionne le patriarcat, les relations hommes/femmes et les hypocrisies de la société.

« Ma vie est mon djihad [ndbp : guerre sainte]. J’apprends qui je suis. C’est ma richesse. Ma conquête à moi. Apprendre qui on est est le plus court chemin vers Toi. Le mien a été sinueux mais je Te dis merci (…)

Le bien et le mal n’existent pas. Tu es bien trop subtil pour ça.

Allah, Tu n’es que nuances et c’est pour ça que je T’aime. » (p. 126-127)

Post-scriptum : On ne remerciera jamais assez les petites bibliothèques de rue où l’on peut trouver ce genre de pépites.

Confidences à Allah, de Saphia Azzeddine, Éditions Léo Scheer, 2008, Éditions J’ai lu, Paris, 6,80 €, 128 pages.

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