The Apprentice, d’Ali Abbasi : un portrait peu flatteur parfaitement réussi, voire vertigineux, du 47ᵉ président des USA au moment où celui-ci perce dans le monde des affaires et de l’immobilier de luxe.
Ça raconte l’ascension, dans les années 70 et 80, marquées par l’épidémie de Sida et le libéralisme à la sauce Ronald Reagan (1911-2004), de Donald Trump (interprété par un Sebastian Stan qui nous régale par cette leçon de mimétisme), fils d’un homme d’affaires new-yorkais au bord de la faillite, aux prises avec la justice d’État, patriarche autoritaire, raciste, et pour tout dire plutôt antipathique. On suit les magouilles du jeune Donald, arriviste fasciné par l’argent et la réussite sociale des « winners » accoquiné dans cette quête avec Roy Cohn (1927-1986), avocat (fascinant Jeremy Strong) à la déontologie vermoulue et à l’anti-communisme farouche. On le voit s’endurcir tout au long de cette « élévation » au rang de « golden boy » – élévation qui se fait au détriment de l’éthique, au détriment des valeurs humaines qu’on attribue d’ordinaire aux gens bien (probité, humilité, sens du partage, goût pour la vérité, etc.)… Élévation qui ressemble surtout au naufrage moral d’un individu grossier, indélicat, mesquin et qui par là-même montre l’abîme dans lequel a plongé la société qui a engendré pareil personnage.
Ce sera intéressant de suivre la destinée de cette œuvre cinématographique au message puissant – charge engagée (et en ce sens réjouissante) contre l’idéologie bling-bling et contre l’adulation de ces prédateurs dénués de toute notion de bien commun. Sera-t-elle primée aux USA ? Qu’en pensent les électeurs·trices du vrai Donald Trump, fraîchement réélu malgré ses casseroles, ses déboires, ses mensonges permanents, sa vulgarité crasse, sa xénophobie notoire, son machisme répugnant et l’imposture totale qu’il représente et que ce film d’Ali Abbasi souligne de façon magistrale (avec en prime une bande originale qui nous replonge dans les années disco) ?
The Apprentice, d’Ali Abbasi et Gabriel Sherman – Avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova… – Durée : 2 h – Sélection officielle de la 77ᵉ édition du festival de Cannes – Sortie le 9 octobre 2024.