Parmi les innombrables sorties de la rentrée littéraire*, Juliette Rousseau revient avec un nouvel ouvrage aux éditions Cambourakis. Pas vraiment un roman, pas vraiment un essai, pas vraiment un livre de poésie ; l’autrice sort des sentiers battus pour se faire Péquenaude.
« À l’examen il y a les mots : péquenaud, plouc, beauf, cul-terreux. Campagnard. Je remarque : même dans les insultes, je n’existe pas. Mais en les féminisant, je glisse une première pierre à l’édifice du retour. Péquenaude. Un vent chaud dans les troènes, une haleine de stabule. Il faut savoir de quelle rugosité on émerge, pour en sentir le goût en bouche. »
Tout part de ce mot, féminisé en « péquenaude ». Un titre en néologisme pour un livre qui prolonge La Vie têtue paru en 2022 tout en s’en affranchissant ; avec une écriture plus fluide, et des envolées poétiques qui prennent place dans une réflexion sur la place des femmes dans le milieu rural, la destruction des écosystèmes, la connexion avec ses sens, ses angoisses, mais aussi la nuit et la nature.
« La poésie vient en jaillissant. Elle a ce pouvoir de défaire les barrages, de révoquer les entraves. Elle sait entendre et traduire ce que disent les corps et la terre quand on les laisse parler. »
Cet éclat de la langue, Juliette Rousseau semble désormais en maîtriser la puissance, parfois dans de courts passages qui font comme un tableau instantané d’un moment parmi les herbes. De son précédent opus, elle garde le goût des chemins mais s’éloigne de la galaxie familiale (en tant que mère ou sœur en deuil) pour retrouver la sienne. Retourner sur ses propres pas, de l’enfance à la campagne au passage en milieu urbain, pour revenir sur des terres qui s’amenuisent. Et écouter, son corps, les bruissements environnants, la palpitation des arbres et le bruit des machines, une toile dans laquelle Juliette Rousseau trace et crève le sillon avec un outil qui ici ne détruit rien mais nourrit fortement : l’écriture.
« Malapprise, encore emplouquée, je crois qu’on ne peut faire l’expérience du monde qu’à condition d’honorer les sens, de les laisser dire sans les atténuer. De les prendre au sérieux. Et tant mieux, si l’on découvre qu’ils y souffrent. De la vie, nous ne sommes pas défaites ».
Infos agenda : C’est une rentrée fort remplie pour Juliette Rousseau, qui sera à la librairie Comment dire (rue Jules Simon) deux fois en septembre ; mercredi 4 pour le lancement de Péquenaude, puis le jeudi 26 en compagnie de Céline Costa, cette fois pour la traduction du livre Voici mon cœur, brise-le avec un marteau paru aux éditions du commun au sein desquelles elle anime la collection « poésie ». Il y aura également une session de lecture à l’écomusée de la Bintinais pour les Journées européennes du matrimoine, samedi 21 septembre. Enfin, vous pourrez retrouver l’autrice lors du festival Dangereuses lectrices qui aura lieu les 19 & 20 octobre à l’Antipode de Rennes.
* Nous reviendrons avec plusieurs focus, principalement sur des autrices, notamment en vue du festival Dangereuses lectrices.