Petit manuel d’autodéfense en interrogatoire, par Projet-Évasions

Petit manuel d’autodéfense en interrogatoire – Comment la police interroge et comment s’en défendre, par Projet-Évasions : un ouvrage qui peut vous éviter de passer par la case « Prison » grâce aux cases « Chance » et « Caisse de communauté ».

 

533x800_Autodefense-interrogatoire_Projet-EvasionsUn rappel avant toute chose : « Il y a de fortes chances pour que les agent·es de police que tu rencontres aient des comportements racistes, antisémites, sexistes et homophobes. Pourquoi ? Parce que les sociétés qu’ils·elles défendent sont structurellement racistes, antisémites, racistes et homophobes et que, par conséquent, cela attire des personnes aux idées racistes, sexistes, antisémites et homophobes. » (pages 21-22)

Nasses policières en fin de manifestation*, répression judiciaire des actions syndicales et militantes, opération dans le cadre (élargi à tout et n’importe quoi et surtout à n’importe quoi) de l’antiterrorisme, outrages, sabotage d’installations pétrolières, port d’une abaya, d’un keffieh ou d’un pin’s arborant une pastèque, occupation d’une université ou d’un squat autogéré, participation à une marche contre les violences policières, etc., les occasions ne manquent pas de finir en garde à vue (liste ci-dessus bien sûr largement non-exhaustive comme l’indique d’ailleurs l’usage d’un « etc. »), a fortiori dans un État dont les dérives liberticides ou arbitraires sont régulièrement dénoncées par des organisations internationales, des intellectuels engagés à gauche, des journalistes indépendants ou les défenseurs des droits.

En tout cas, quelles que soient les raisons (fondées ou non) qui nous amèneraient à atterrir au poste, il y a quelques fondamentaux à maîtriser pour minimiser les dégâts qu’engendre fatalement un tel mauvais moment à passer. Ce Petit manuel d’autodéfense en interrogatoire, promu par le réseau Projet-Évasions et publié par les éditions du commun habituées à mettre en lumière des littératures propices à la transformation sociale, s’avère donc fort utile pour ce faire.

« Les policiers·ères partent du principe que le·la suspect·e va employer un mécanisme de défense pour justifier ses actes et maintenir sa confiance en soi ; l’axe d’attaque des interrogateur·trices est de briser sa résistance en identifiant et exploitant les vulnérabilités psychologiques des suspect·es (sentiment de culpabilité, deuil, fierté, naïveté, etc.). Des facteurs logistiques peuvent également être utilisés, comme la maladie, la fatigue, le stress, l’isolement social ou la privation de nourriture. » (p. 38-39)

Quel est le but de la police ? Monter les dossiers (en général à charge) puis laisser à la justice le soin de régler leur compte aux prévenu·es – présumé·es innocent·es mais qui auront été considéré·es comme coupables tout au long d’une procédure éprouvante, humiliante et stressante (pour les suspect·es, car à cette routine les fonctionnaires de police pour leur part sont rodé·es). Quelles techniques de manipulation, de pression psychologique, quels mécanismes trompeurs, quels mensonges, quelles formes de violences et de maltraitances sont employées par la police dans le dessein d’obtenir des informations (sur vous ou votre entourage) susceptibles d’étoffer voire de remplir leurs dossiers (parfois totalement vides) ?

« Les flics ne sont pas tes ami·es, ils·elles ne se préoccupent ni de ton bien-être ni de ton développement intellectuel et n’ont aucun intérêt à t’amener des critiques constructives. Ils·elles ne sont pas concerné·es par qui tu es, par ce qui est important pour toi ou tes sensibilités. Ils·elles ont leurs propres intérêts qui n’ont pas de lien avec la personne mais uniquement avec leur travail quotidien et le dossier d’enquête. » (p. 53)

Basé sur des expériences vécues ou des ouvrages relatant des emprisonnements et des interrogatoires, ce manuel d’autodéfense civique rappelle avec une insistance à la hauteur des enjeux (à savoir : rester libre ou, du moins, éviter d’alimenter l’ogre policier) que garder le silence (même si c’est compliqué face aux méthodes retorses auxquelles les inspecteur·trices auront recours pour vous faire craquer) est la meilleure des façons de se protéger, de ne pas s’accabler, de ne pas mettre en cause qui que ce soit de son entourage et de se garantir, si besoin, les moyens par la suite de se défendre adéquatement, à tête reposée, avec le temps nécessaire et en ayant connaissance du dossier qui aura été constitué contre soi.

« Le paradoxe, en ne voulant pas avoir l’air suspect·e, c’est de se justifier et donc fournir des informations qui serviront à nous condamner. » (chapitre 4, « Se défendre », 16 « Les fausses croyances qui poussent à la collaboration », p. 137)

 

« Si tu commences à parler, tu donnes le signal d’une ouverture dans laquelle les inspecteurs·ices vont se jeter à corps perdu, jusqu’à ce qu’ils·elles soient satisfait·es du résultat. C’est aussi leur montrer que les moyens de pression dont ils·elles disposent fonctionnent sur toi. Pourquoi alors arrêter si cela montre des résultats positifs ? Plutôt que de subir moins de pression, tu vas être pressé·e comme un citron. » (p. 138)

Refuser d’emblée de collaborer, ne rien avoir à déclarer, ne pas entrer dans quelque conversation que ce soit, ne pas se laisser berner par la bienveillance feinte d’un·e policier·ère (stratégie récurrente pour soutirer en douceur des informations aux prévenu·es), ni par les menaces plus ou moins théâtralisées de policier·ères qui n’hésiteront pas à singer la colère dans l’espoir de peut-être déstabiliser l’interrogé·e et de lui arracher ainsi des aveux ou des éléments qui pourront se retourner contre soi, tel est le conseil-phare le plus efficace et valable pour ne pas aggraver son cas ; ce n’est pas, en effet, toujours dans notre intérêt, de faciliter le travail de la police (et in fine de la justice).

« Non seulement la police et la Justice sont une réponse insuffisante aux agressions et oppressions interhumaines mais elles les reproduisent et elles les alimentent. » (p. 16)

Ce manuel, à diffuser partout autour de soi à toutes fins utiles, s’appuie sur un constat (la police et la justice sont des instruments punitifs, inefficaces pour en finir avec la délinquance, mais dont lesquels les États réactionnaires ne peuvent se passer) et une volonté (changer la société, émanciper les citoyen·nes et passer d’une justice qui châtie en préservant les privilèges des plus forts à une justice réparatrice déployée au sein d’une société égalitaire). Pourquoi en effet, dans le vaste Monopoly de la vie, se contenter d’une société où règnerait l’arbitraire alors que sont possibles des alternatives (certes pour l’instant infiniment minoritaires, mais néanmoins expérimentées dans des réseaux anarchistes, punks ou autres, avec succès, et ce, sans avoir à recourir à des systèmes carcéraux trop souvent indignes) ?

 

* On lira avec grand plaisir sur ce sujet précis Mélancolie de la nasse, de Xavier Calais, paru chez le même éditeur (2021, coll. « des réels », 7 €).

 

Petit manuel d’autodéfense en interrogatoire – Comment la police interroge et comment s’en défendre, par Projet-Évasions, éditions du commun, Rennes, avril 2024, 208 pages instructives, disponible à la librairie l’Établi des mots évidemment et disponible également en ligne ici, en format « .pdf » et en accès libre, dans l’idée de partager des savoirs et d’enrichir des pratiques, 13 €.

2 comments

  1. Bonjour,
    je me permets de vous contacter car je travaille dans un tiers lieu qui s’appelle ESS Cargo, basé dans les locaux de l’Université de Rennes 2.
    Nous proposons un certain nombre d’actions et d’animation, principalement à destination des étudiants.es et des habitants.es de Villejean.
    Nos animations sont très variées, allant de fresques du numériques à des ateliers d’expression, des porteurs de parole, des ateliers cuisine, des arpentages, etc…
    Je souhaitai savoir s’il était possible de vous communiquer les dates de nos évènements pour que vous puissiez les partager dans votre agenda culturel ?
    Merci et bonne journée à vous,
    Aude

    • Cyrille Cléran /

      Bonjour Aude,

      Bien sûr. Avec plaisir. L’agenda culturel de l’Imprimerie nocturne est ouvert à toutes les heureuses initiatives.

      Bonne continuation à vous et à l’ESS Cargo.

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