Dix ans après son dernier LP, Rocé sort ce mois-ci Bitume. Un disque qui trouve que « ce monde est tellement pas beau de haut », alors il mate les oiseaux qui « volent de dos »*. Un disque pour se tenir debout, avec l’art et la manière de l’écrire.

« Ici y a plus d’effet de style y a des effets cachés // Par normal d’faire la guerre aussi près des cages d’escalier » Dragon en papier

Plusieurs années de silence, un projet de transmission pour porter les voix des damné·es de la terre et l’Ep Poings serrés paru en 2021 qui avait malgré tout laissé les auditeurs et auditrices sur leur faim depuis Gunz n’Rocé en 2013 : Rocé sort ce mois-ci son nouvel album intitulé Bitume. De nouveau, le rappeur mélange les prods et les ambiances, se renouvelle sans pour autant aplanir le discours. Faut dire, comme la couleur orange de la pochette, l’urgence est là, et « l’heure n’est pas aux constats mais aux portes de sortie ». Et les urgences attaquent de tous bords, on pourrait même bien croire qu’ils l’ont fait exprès comme le raconte le 4ᵉ titre du disque en feat avec Ol Kainry : « ils ont la gloire des vainqueurs et veulent romance des vaincus », et beaucoup se retrouvent à résister face à ceux qui « veulent nous briser » dans ce décor planté avec un « Pic à glace », titre qui va traîner du côté d’une sorte de ragga-grime au refrain entêtant.

« J’ai pas de trône, j’peux pas être assis, mon corps est debout, mon poing est levé » Le niveau

Si l’oreille reconnaît parfois une sorte de « marque de fabrique sonore », Rocé bifurque là où on ne l’y attend pas, comme avec « Le Niveau », s’autorise un semi « raï-autotuné » sur le refrain de « Je sais je sais », slalome entre les beats autant que parmi les images poétiques, comme avec les métaphores de la sincérité fracassante du titre « Il pleut dans ma tête ». Et malgré le noir, « l’espoir est politique »; alors sur « Nos victoires » Rocé parle clair pour rappeler que « le capitalisme n’est pas irremplaçable, le racisme n’est pas irremplaçable, l’exploitation des peuples n’est pas irremplaçable ». Une montée de puissance et de force avant « Rien n’est impossible » : « J’dis pas qu’c'était mieux avant, j’dis qu’c'est mieux quand c’est humain ». Si l’histoire donne des leçons dont les horreurs continuent de s’accumuler, Rocé réécrit le cahier de notes et nous glisse un conseil : « Don’t believe the hype ».