La photographe Dolorès Marat expose son travail à la galerie La Chambre claire de Douarnenez jusqu’au 10 septembre 2022. La veille du vernissage vendredi 29 juillet, le cinéma Le Club a projeté le film documentaire Dolorès de Thomas Goupille en sa présence. Portrait sensible d’une artiste habitée par l’écriture de la solitude en argentique. Avant de s’immerger le lendemain dans ses images émotion sous l’égide de la lune rouge. Errance poétique nyctalope sur des terres de dérélictions oniriques.
C’est d’abord un portrait. Une rencontre magnétique et délicate à l’écran. Dans Dolorès, le réalisateur Thomas Goupille filme la photographe Dolorès Marat au présent. En plans serrés à travers des réponses à un abécédaire. En plans larges des gestes élémentaires dans son appartement studio d’Avignon à l’accrochage de l’exposition « Cascades » à la Villa Pérochon à Niort. Il filme une photographe qui avance doucement. Qui prend le temps de préparer une salade de tomates, de raccompagner ses invités, de marcher à l’aube, d’observer des dizaines de photos en collier de pellicules. Le temps d’attendre l’instant décisif de la photographie. Créer avec ses tripes. L’image ne se commande pas. L’image surgit de l’instant décisif. L’image comme un cri du ventre dit Dolorès Marat. Une personnalité timide qui avoue avec une sincérité rare ne pas savoir comment s’y prendre avec les mots dans le milieu de la culture. Qui a peur de mal dire. Qui a pleuré les mots mal dits. Qui a parlé tard grâce aux vertus laudatives de la création. Qui évoque ses angoisses sociales que les artistes n’avouent pas en public. Une mère célibataire qui a bataillé seule, le ventre vide, pour nourrir ses enfants et qui a attendu qu’ils grandissent pour se consacrer à sa passion. Un parcours de combattante du quotidien. De l’orphelinat à la reconnaissance tardive. Une longiligne silhouette septuagénaire aux cheveux bataille et fumée de cigarette à la bouche qui dit que la vie est une souffrance mais dont le regard brille de la joie de prendre des photos. Leitmotiv ne pas perdre ce regard.
C’est surtout une exposition. Lune rouge. Cinquante cadres de Dolorès Marat accrochés sur les murs de la galerie La chambre claire. De la beauté fiction des images. De l’ébranlement écarlate des instants à vif. L’émotion intime de chaque image. Une histoire à l’intérieur des cadres. Cinquante histoires avec des animaux isolés. Des lieux vides antiques ou lointains. Des silhouettes urbaines solitaires. Les dérélictions de l’humanité captées en aplats de couleurs. Diapositives chromatiques nimbées d’heure bleue et de chien loup. Dolorès Marat photographie les ombres fragmentées de l’aube et du crépuscule. Photographie à l’aune de la nuitjour. Photographie le monde figé et intemporel. Photographie les mouvements flous du silence. La poésie visuelle de la mélancolie. Des visions texturées. Adepte du procédé de tirage Fresson à Paris, la photographe s’est tournée vers le papier Washi en Provence. Sans jamais recadrer ni retoucher une photo. Donner à voir la sensation brute. Le regard de Dolorès Marat raconte les rencontres imaginaires, les errances nyctalopes, les épidermes qui se grainent à la faveur d’une rencontre fortuite, lors d’un voyage face à l’océan ou en suspension sous la lune. Rouge inéluctablement.