Les printemps ayant disparu, nous voilà déjà en été. Alors nous nous réinventons une saison en musique. Une sélection qui fleure bon les guitares. Mais pas que, quelques mots se sont échappés ici et là. Bienvenue dans le Jukebox, 19ᵉ épisode.
Son Of – Lo-Fi Dreams Of Epilespsy
Certain·es se souviennent encore des albums du groupe Jack the Ripper. Puis de la suite avec Son Of, prolongeant le travail du chanteur guitariste Arnaud Mazurel. Il y a eu des absences, des réapparitions, puis du silence. Et voilà donc en 2022, un nouveau disque, Lo-Fi Dreams Of Epilepsy. « Diantre bigre » me suis-je exclamée en découvrant la chose. Dès les premières notes, un peu alambiquées comme si le son était lointain; la voix écorchée directement au premier plan, refoutant quelques frissons au passage. Puis les titres se déroulent, avec la rugosité d’un Iggy Pop sur « Doberwoman », la trempe d’un Nick Cave, et tout un paquet de références qui finissent par disparaître, absorbées par l’incarnation de Son Of, le fils de porte bien son héritage. Des rythmes de « See you next grave » à une sorte de fantôme de flamenco sur « Spanish cocker blues », ces sortes de rêves-cauchemars ne trouveront pas le bon adjectif ici. Diantre bigre, j’ai écouté un album de Son Of. Nous vous conseillons la même chose.
11 titres – 20 avril 2022
Quinquis – Seim
Après deux albums sous l’identité de Tiny Feet, Émilie Quinquis assume son premier album sous son nom. Et plonge en terre bretonne à grands coups de renforts électroniques pour les 10 titres de Seim. Une sève qui s’écoule de sa voix, et des machines qui la portent. Des écrins aux belles harmonies comme « Eñvor » aux oscillations qui peuplent « Mintin », une sorte de simplicité se mélange à l’apport électronique brassant une sorte de trip-hop-jungle organique indéfini comme sur « An Divare ». Un voyage onirique, comme une traversée sur une mer qu’on viendrait d’inventer, le long des côtes de terres que l’on connaît déjà.
10 titres – 20 mai 2022
Mellano Soyoc – Alive
On ne compte plus les projets d’Olivier Mellano. Et tant mieux. C’est ici en compagnie de la chanteuse Mona Soyoc qu’il revient pour un album, sorte de feu follet de l’urgence, ce Alive ralentit rarement. Sorte de pulsation démarrée depuis l’introduction percussive du titre « Enjoy », où les progressions du texte s’entremêlent à celles de la composition. Parfois brasier sonore comme sur « Invulnerable » ou étincelles de lumière avec « Come in the winter » jusqu’à l’apaisement du titre final « Grateful », ces 12 titres sont vivants. Vibrants. À déguster en brûlant.
12 titres – 20 mai 2022 – IDO productions
Nemo Nebbia – Vents contraires
Quasi près de 10 ans après En direct du brouillard, Nemo Nebbia reprend le micro pour un EP. Le rappeur fait donc son « Vendée globe » dans une l’époque. Tempête sociale et ouragan environnemental, les constats fusent comme des avions en papier : les mots contre la tornade mentale. Évoquant ceux qui n’ont pas toujours le vent dans le dos car « pas tous confinés sous la même étoile », ou ceux qui manquent d’eau, Nemo Nebbia tourne dans son « Vase clos de Karma » le faisant vase communiquant entre les thématiques. 4 titres, 4 textes avant « d’affronter l’orage ».
4 titres – 1er avril 2022
Papapla – Sounds of Papapla vol.2
Chez Papapla, le soleil est aussi blanc que les fourgons. Le ciel est bleu, et les musiciens roulent en Mercedes chocolat. Chez Papapla, on arrive à enchanter les allées du supermarché et les problèmes de stationnement sur un parking pour nous inviter à y tourner le dos. Chez Papapla les notes de guitare se faufilent entre les gouttes, les compositions sont un peu traînantes et un peu rebondissantes, comme les mots qui s’habillent d’un rock qui semble par moment joliment maladroit. Une manière de se faufiler ailleurs. Loin d’une petite bête qui glisse.
13 titres – 20 mai 2022 – L’église de la petite folie
Vincent Prémel – Les fleurs du béton
Deuxième album solo pour le Rennais voyageur Vincent Prémel, accompagné par Gwendal Mainguy à la réalisation. Des titres toujours comme de petits carnets de voyage, de l’île d’Ouessant au rythmes du Cap vert, c’est accompagné de sa petite guitare que le musicien vadrouille entre les mots et les notes, toujours entrains, l’optimisme en bandoulière et la danse dans les pieds. Un bel album idéal pour la saison, où l’on croise un bel hommage à Cesaria Evora.
12 titres – 17 juin 2022 – IDO productions
BREISS - Méditation urbaine
Cela faisait un an que le label rennais A night on canopy n’avait rien fait paraître. Et voilà un album instrumental du producteur Breiss de 16 titres à se mettre sous la dent ou plutôt dans les oreilles. Intitulé Méditation urbaine, on y croisera un savoureux mélange entre basse au timbre jazz qui donne bien envie de se poser avec « Visualisation » ou « Esprit », des impulsions de batterie qui donnent envie d’avancer (« Let it beat »), des nappes de clavier pour une introspection (« Réflexion »), des ambiances sonores fascinantes comme « Breath ». Et bien sûr un bon paquet de beats bien foutus. Un bel album pour flâner et qui donne envie de rapper; ou comment rappeler la saveur mêlée du jazz et du hip-hop sans paroles, pour le beatmaker français qui signait deux ans plus tôt les prods de l’album Simulation de Kiydrah.
16 titres – 6 mai 2022 – A night on canopy
Arlt – Turnetable
Le nouvel album d’Arlt semble fonctionner comme une horloge déréglée; ou d’une montre avec des aiguilles désaxées, mais qui arriverait malgré tout, par moments, à vous donner l’heure. Arlt mélange les voix, les instruments, superpose les mélodies, appuie la voix par une trompette, grattouille des cordes et chatouille les mots, des « poèmes en langue chien ». Après 12 albums, les expérimentations du duo continuent bon boute-en-train, entre fabulettes et profondeur sortie d’on ne sait où. Sorte de petite fanfare de jardin animée par un vaisseau spatial en carton, Arlt (et leurs invités) s’amusent grandement, c’est un peu de traviole, alors ça nous amuse aussi.
11 titres – 20 mai 2022 – Objet disque
Tchewsky & Wood – Silent partners
Silent Partners est un disque tout en paradoxe, sorte de confrontation et de dialogue permanent entre la batterie de Gaël Desbois, les instruments de Maxime Poubanne et la voix de Marina Keltchewsky. Confrontation entre les mots et l’univers musical industriel, toujours aussi marqué que sur les opus précédents. Dialogue des paroles, avec un interlocuteur imaginaire, ce « silent partner »; dialogue avec un enfant à venir, soi-même ou des êtres imaginaires comme une femme-centaure. Reprise de « Dancing barefoot » de Patti Smith, incursion sur une sorte de dancefloor de l’Est avec « Vmeste S Taboï », fusion bouillonnante sur « Miss Lala ». Tchewsky & Wood a encore frappé, et ça pèse son poids à l’assaut du monde.
10 titres – 10 juin 2022
Le clip rennais : Ulysse Mars et Benjamin Coum