Après Stig Dagerman, Souad Labizze et Kae Tempest, nous poursuivons nos propositions de lecture format court en compagnie cette fois-ci d’un texte haletant, Les chevals morts d’Antoine Mouton. C’est un truc très beau qui contient tout*.
« je ne voudrais pas, nous, qu’on se perde et qu’on se morcelle
il suffit de bien regarder où nous mènent les chemins qu’on prend il suffit de rester clairvoyants
mais il y a tellement de tristesse à nos trousses tellement de gens qui se séparent tellement de gens dont les chemins s’écartent comme les jambes d’un cheval mort
il y a tellement de chevals morts entre les gens et entre les chemins qu’ils prennent »
C’est un texte qui ne s’arrête pas, une cavalcade en cataclop sans point, retour à la ligne
ça ne s’arrête pas dans l’écriture fulgurante d’Antoine Mouton, ça ne s’arrête pas pour ne surtout pas se retourner sur Les Chevals morts, ceux qui se nourrissent de la tristesse, des lambeaux d’histoire et de la mort, ça va vite et c’est sublime dans la vitesse et la détermination de ne pas se laisser rattraper
il y a l’amour, il y a le sexe dans des landes de plaisir, alors ça fonce entre les lignes d’une poésie sans majuscules mais qui dit pourtant tout haut des choses très belles, des choses très fortes, des qui bouleversent, des qui renversent, attention à la tristesse, ne te retourne pas, avance à la phrase suivante, pour ne pas séparer les chemins
« il n’y pas de faute il n’y a que des erreurs et nous ne mourirons pas car nous sommes attentifs les chevals morts ne nous rapatatraperont pas »
c’est une course entre les mots et les images, pour éviter ces chevals morts, une course qui semble sans respiration alors que l’écriture d’Antoine Mouton en donne beaucoup, de l’air, du vent, et des étreintes, avec quelques embûches syntaxiques, comme pour tomber et mieux se relever, encore, encore, loin des chevals morts
bien loin des chevals morts.
* Pour reprendre le titre d’un recueil de lettres de Neal Cassady paru aux Éditions Finitude.