Avant que le monde ne se ferme : un fils du vent dans la guerre

En 2019, Alain Mascaro prend la route. De son voyage en résulte un premier roman, Avant que le monde ne se ferme. Un voyage entre les barbelés de l’histoire pour évoquer un sujet vertigineux : le massacre des tziganes par les nazis.

 

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Nous sommes dans les années 1930. Anton, dresseur de chevaux, fait partie d’une troupe de cirque itinérant, les Torvath. De cérémonie de décès où l’on brûle la roulotte jusqu’à l’installation du chapiteau, la tribu a quitté Ourga (Oulan Bator) en Mongolie pour s’avancer en Europe. Nous sommes en 1938, Adolf Hitler et son armée viennent d’annexer l’Autriche.

« Les vastes plaines, autrefois complices de leur ivresse, les montraient désormais du doigt pour ce qu’ils étaient : des tziganes voués à l’opprobre ». (p. 47)

Rapidement, le paysage qui accompagnait les pas de Moriny Akh, le frère des chevaux, nom secret d’Anton, devient un ennemi au cœur de la Pologne. Nous sommes en 1941, et sont regroupés les juifs, les tziganes* ou opposants politiques dans des ghettos. Anton et les siens se retrouvent dans celui de Łódź**, où le typhus et la faim ont trouvé leur terrain de jeu. Les cadavres s’empilent. Et l’épuration commence, au fil des pages qui nous plongent dans l’horreur.

« Jion le jongleur fut abattu à l’aube d’un jour gris de février 1942 par un SS qui passait. Il serait vain d’en chercher la raison. » (p. 73)

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Des photos d’Henryk Ross du ghetto de Łódź ont survécu au temps.

Au fur et à mesure que les membres de la famille d’Anton disparaissent parmi les blattes (le surnom qu’il donne aux Allemands), une seule solution apparaît pour se sauver : se faire passer pour juif et transiter dans l’autre partie du ghetto via les égouts. S’ensuivent rafles dans un « noir carnaval d’uniformes, Krippo, SS, Wehrmacht, police et pompiers juifs », jusqu’à la liquidation des lieux pour une direction au nom de mort : Auschwitz.

Dans son récit de « fiction », où apparaissent des figures historiques comme Rumkowski*** président du Conseil juif au sein du ghetto, Alain Mascaro oppose la poésie du monde tzigane, leur empruntant tout un vocabulaire, à celui de l’univers concentrationnaire. À la barbarie crasse qui s’incruste au fil des pages et face à laquelle Anton tente de survivre. Mais le récit n’aborde pas que la période des camps ; il est aussi question de l’après. De la difficulté à faire partie des rescapés. De vivre avec cette mémoire où dansent les fantômes. Une lecture qui, à juste titre, ne laisse pas indemne. Pour ne pas oublier.

Avant que le monde ne se ferme – Alain Mascaro – Éditions Autrement – 244 pages – Paru le 18 août 2021.

* Voir également à ce sujet le film de Tony Gatlif, Liberté, qui lui se passe en France et met en lumière un pan de la collaboration trop souvent passé sous silence.

** À lire : Le journal de Rywka Lipszyc : témoignage du ghetto de Lodz, octobre 1943-avril 1944.

*** À lire : La Fabrique de papier tue-mouches d’Andrzej Bart.

One comment

  1. Merci beaucoup pour cette chronique.

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