Voir autrement ou comment écouter les effets de transparence

La nuit tombe quand elle veut de Latifa Laâbissi et Marcelo Evelin se joue jusqu’au 21 novembre, au Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne (CCNRB). Les interprètes nous amènent ailleurs, quand le voile de la nuit apparaît, dans un univers sonore immersif signé Tomas Monteiro, en décalage avec la réalité de la journée.

 

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Le décor est au sol, quelques bouteilles et des verres en shooters sont disposés comme des présents pour le public. Quelques chaises sont occupées par les matières en plastique des costumes des interprètes. Les spectateurs décident de s’asseoir sur une chaise ou sur des matelas au sol. Les initiatives s’enclenchent, certains portent une veste en plastique, d’autres prennent un verre, on attend, on est autour d’une scène imaginaire que l’on absorbe. Les paroles sont des sons, des chants et des langages difficiles à décrypter et parfois on entend dans un cri quelques mots d’anglais, d’espagnol ou de français.

Le temps s’allonge, s’étire, pour déplacer l’attention du spectateur vers une écoute et vision sans jugements. Les personnages semblent se parler à eux-mêmes, sauf au moment où l’un d’entre eux s’immisce entre les spectateurs et propose brusquement de boire un shot d’aguacana. On peut lever le masque et se dévisager.

Ceux que l’on a épuisés. Ceux qui veillent. Et chérissent les noms des morts. Ceux qui forment un foyer où se précipitent des paysages en désordre. Ceux qui fouillent la réserve du musée des os, ceux qui veillent les images en colère dans leurs muscles, ceux qui font pisser une archive sur le dancefloor.

Les trois personnages mis en scène sont nus et portent un costume où l’on ne voit pas leur visage. Ainsi, ils représentent par leur corps des entités anonymes, un peu comme des réincarnations de personnages du passé, de ceux qui se font fait assigner et de ce que le présent permet de réactualiser, à partir d’héritages réels et communs. La nuit tombe quand elle veut invente un procédé de digestion hybride. Comme si on se retrouvait dans un rêve lucide. Alors on avale cette ambiance tamisée et produite par des effets de jeux de lumières (Chloé Bouju) qui viennent bousculer le confort de la posture assise de celui ou celle qui regarde, on se fait dévisager quelques fractions de seconde par le dispositif des lumières au plafond.

Les extraits des poèmes : Ceux qui veillent les images nègres d’Olivier Marbœuf évoquent les postures du veilleur attendant la vérité. Être assis et rassemblés autour des protagonistes rappelle la veillée nocturne, et pourquoi pas des veillées poétiques, et politiques.

Sauf qu’ici, le débat est individuel et les mouvements se font principalement sur une chaise, les interprètes créent alors un soliloque intime, sachant qu’on les observe, en étant étranger à cette veillée nocturne, alors le spectateur se retrouve dans une posture d’attente, d’étonnements, ou de fuite.

Libre à chacun de rentrer dans cet imaginaire onirique. Il semblerait que c’est quand la nuit tombe que les esprits se réveillent.

Texte à télécharger sur le site d’Olivier Marbœuf

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