La rentrée de septembre est passée tel un ouragan ; mais il fut musical, et dans nos cartables nous avons transporté quelques disques. En voici une sélection : bienvenue dans le Jukebox, 15ᵉ épisode.
Marc Nammour & Loïc Lantoine – Fiers et tremblants
En voilà deux qui sont fiers d’habiter « rue des enfants pas sages », et c’est une joie pour la rentrée de retrouver deux grandes voix et plumes de la scène française : Loïc Lantoine et Marc Nammour (La Canaille, dont on retrouve les musiciens sur le disque). Un bagage chanson d’un côté, un bagage rap de l’autre, et pour quai de gare commun l’amour des mots et de la poésie ciselée ; « poétique est l’attentat (…) des mots clairs et tranchants ». Tous les deux ont une place singulière dans le paysage musical : la rencontre sur le ring verbal annonçait une lutte de haut niveau. Et le niveau est là, l’uppercut est sonore avec des instrumentations contemporaines, et la rime cogne sec à certains coins de texte. L’alternance de couplets fonctionne à merveille, avec leur grain de voix grave et percutant. Reprenant sans sourciller « Les gens qui doutent » d’Anne Sylvestre, souhaitant « La gloire aux perdants », ce sont bien sûr leurs engagements qui prennent le pas sur l’ensemble des textes. Impossible de choisir des citations à vous livrer pour vous convaincre : il faut écouter l’album en entier, en restant Fiers et tremblants, le cœur battant. Car « On l’aime à mort la vie ».
9 titres – 29 octobre 2021 – La Canaille / L’autre distribution
Pepper White – The Lonely Tunes of
The Lonely Tunes of serait comme un opus de chansons à fredonner, sur un piano un peu dézingue, quelques accords de gratte vintage. Au micro, Thomas Dahyot, ex Madcaps, qui étale son spleen avec nonchalance sur les 10 titres de l’opus. Chanson d’amour groovy (mais pas désespérée) avec « Still in love with you », promenade tranquille (mais déterminée) sur « Fuckside down », le rock devient presque tragi-théâtral avec « Home alone on saturday night ». Autant marqué par J. J. Cale que par du Velvet Underground, The Lonely Tunes of laisse sa propre empreinte dans le sillon musical, qui s’écoute avec plaisir.
10 titres – 17 septembre 2021 – Howlin Banana Records
Silencio – Terra
Silencio, c’est le projet rennais en duo de Sandreen (My sleeping doll) et Johan Le Velly. Silencio, c’est sombre et organique, froid et vivant ; évoluant dans une sorte de « dark wave », la voix, lente, égrène une poésie des décombres qui rappellera à certaines oreilles le duo Del Cielo. Cherchant une échappée sur un beat automatique avec « Ailleurs », la lumière surgit parfois au milieu de quelques « Vertiges ». Un an après leur album Lux, Terra plonge dans un humus calme en surface, grouillant de tensions souterraines ; les apparences sont parfois trompeuses.
7 septembre 2021 – 10 titres
Dragon rapide – Mumbo Jumbo
Besoin de booster vos matinées ? D’avoir de quoi tracer sur les avenues de la ville embrumée ? Le deuxième album de Dragon Rapide devrait combler vos attentes. Trois ans après See The Big Picture, le groupe clermontois fonctionne avec une power pop vitaminée à en faire danser un bol de corn-flakes. Accords saturés sur « Summer’s gone », course de vitesse avec « The Rock bottom », le trio joue entre les voix, ajoute un soupçon de cuivres sur « Full moon », et s’offre de jolies envolées comme « Time after time ». Ce Mumbo Jumbo nous renvoie avec panache dans le rock des années 90 (sortez la tenue qui va avec pour l’occasion).
15 septembre 2021 – 12 titres – Le Pop Club Records, Ganache Records et Atypeek Music
Hazel Anne – Indigo vertigo
C’est un disque influé par les confinements, qui contient pourtant beaucoup de lumière. Composé en résidence chez l’artiste, Indigo Vertigo reprend son habile association entre rythmes industriels et sensibilité à fleur de voix. On appréciera l’ensemble des loops sur « On my summer days », les gouttes synthétiques de « Cœur arc-en-ciel » ; les virages sombres sur « Alerte noire » ou encore la progression du titre final, « Step outside » qui affirme que le doute est le prix de la liberté. Alternant ici français et anglais, Hazel Anne persiste et signe dans le solo abrasif ; et ça lui va bien.
7 titres – 6 octobre 2021
Nesles – Arsenic
« Es-tu là mon Pégase ? » interroge Nesles sur le premier titre de son cinquième album au titre vénéneux, Arsenic. Mais le poison pourrait-il être également l’antidote ? C’est en tout cas ce qui est à l’œuvre avec la poésie du chanteur qui se perche sur un véritable fourmillement sonore comme sur « Goudron » et distille ses mots, ses paysages littéraires dans un certain vertige. Qu’il s’agisse de se promener au milieu des « Cyclamens », d’insuffler de l’électronique au cœur d’une « Sonatine », les textes et compositions de Nesles font vaciller. De l’inquiétude du chaos imminent avec « Incendie » jusqu’au goût final du « Sulfür », cet Arsenic est à injecter dans les conduits auditifs avec une posologie régulière.
10 titres – 5 novembre 2021 – MicroCultures Records
Rodolphe Burger & Erik Marchand - Glück Auf !
Glück Auf ! signifie bonne chance, et s’avère être aussi la devise des mineurs de Sainte-Marie-Aux-Mines. 15 ans après le disque Before Bach, les insatiables Rodolphe Burger et Erik Marchand s’associent de nouveau (avec à leurs côtés d’autres musiciens tels Mehdi Haddab au oud ou Pauline Willerval au violon). Nous voilà plongés dans les tréfonds de leur mine musicale, dans les entrailles des musiques rock et traditionnelles. En résulte 8 titres, 8 pépites extraites par les pioches blues de « John Henry » ou la transe d’une « Nuit albanaise ». Une véritable recette qui sait mélanger les racines et en faire une poudre improbable et explosive sur le final « Eisbär » : wunderbar !
8 titres – 10 septembre 2021 – Dernière bande
Brieg Guervenno – Vel ma vin
4ᵉ album pour le chanteur et guitariste Brieg Guervenno, programmé lors de la prochaine édition des Transmusicales. Vel ma vin (« Comme je serai ») s’avère être un grand disque, aux harmonies brillantes et qui s’écoute comme on devrait faire son introspection : avec délicatesse. Dès le premier titre « Vel Pa Vefemp », les cordes de la guitare s’enroulent avec celles du violoncelle de Bacha El Bahia. Une lumière mélancolique va marquer tout le disque, des interrogations environnementales de « Petra zo bet » au duo poétique sur « Tra ma vo » et »Ur wech adarre » avec Nolwenn Korbell. La poésie c’est aussi celle d’Anjela Duval dont il interprète « Em digenvez ». Les paysages sonores pétris de folk sont ici solaires, parfois aériens ; envolez-vous avec cet album.
9 titres – 5 octobre 2021 – Yotanka
Luis Francesco Arena – A cool breeze
Dans la sphère indie-pop et au songwriting inspiré, nous avons nommé le nouveau projet de Luis Francesco Arena. Étoffant ses compositions en collaborant avec le multi-instrumentiste Nicolas Ceuille, appuyant ses envols d’une basse qui retient au sol, le chanteur Pierre-Louis François signe avec ce sixième disque une échappée musicale de choix ; qu’il s’agisse du rock plus marqué de « Rejoice » ou des rebondissements sonores de « Amtracks », les ambiances varient dans une folk-psyché qui sait se faire sa place sans pour autant marcher sur la partie vocale, toujours au premier plan. Observant le monde désenchanté dans lequel nous évoluons, Luis Franceso Arena arrive à le réenchanter musicalement, c’est déjà ça.
11 titres – 1ᵉʳ octobre 2021 – À tant rêver du roi
La playlist en vrac
Marché noir, La nuit est une femme (en concert le 4 novembre à l’Ubu) // Lowpkin, Goodbye my love // Icare Vertigo, La Chaise // Eighty, The Ride // Yann Tiersen, Poull Bojet // Soja Triani, Neige // Stuffed Foxes, Sabotage